Monsieur le Président de l’État d’Israël,
Madame la Présidente de la Knesset,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Chef de l’opposition,
Madame la Présidente de la Cour Suprême,
Mesdames et Messieurs les membres de la Knesset,
Il y a entre Israël et la France une amitié profonde qui a résisté depuis soixante ans à toutes les turbulences de l’Histoire. Cette amitié, elle n’est pas seulement due à la vitalité de la communauté juive de France et à la vitalité de la communauté francophone d’Israël qui forment comme un pont entre nos deux pays. Cette amitié est due aussi à quelque chose de plus profond. Cette amitié est due à la manière dont le judaïsme a influencé, a nourri, a enrichi la culture française, à l’inspiration que les Pères fondateurs d’Israël ont puisée dans les valeurs de l’universalisme français. Cette amitié est due aux liens étroits économiques, scientifiques, culturels, techniques, intellectuels, mais aussi tout simplement humains que nos deux peuples ont si bien naturellement su tisser ensemble. Cette amitié, je suis venu la renouveler, la renouveler solennellement au nom du peuple français et je me réjouis de voir avec quelle chaleur, avec quel élan fraternel le peuple israélien y répond.
Je voudrais vous dire que c’est pour moi une très grande émotion que de prendre la parole aujourd’hui, ici, à Jérusalem, ville trois fois sainte, sainte pour les juifs, sainte pour les chrétiens, sainte pour les musulmans. Je mesure le très grand honneur que vous faites au Président de la République française de pouvoir s’adresser à votre Assemblée qui est le symbole, et je l’ai vu il y a quelques instants, d’une des plus authentiques démocraties du monde. Je souhaite que dans tous les parlements du monde on puisse interrompre un orateur au nom de la liberté d’expression. C’est cela la démocratie israélienne.
Mesdames et Messieurs les membres de la Knesset, à travers vous, je voudrais m’adresser à tous les Israéliens, les Israéliens dont les ancêtres pendant des siècles ont espéré qu’un jour, il y aurait à nouveau une Nation juive. Une Nation juive qui serait comme toutes les autres Nations, libre, libre enfin de choisir son destin, libre enfin de décider par elle-même. Je veux m’adresser au peuple d’Israël qui a choisi la démocratie et la liberté, et qui ne doit la démocratie et la liberté, peuple si courageux d’Israël, qui ne doit la liberté et la démocratie à personne d’autre qu’à lui-même, à son courage, à son énergie, et à son intelligence. Si vous ne l’aviez pas voulu, personne ne l’aurait voulu à votre place. Il faut avoir l’honnêteté et le courage de reconnaître cela. Mais, à travers vous, je voudrais m’adresser à tout le peuple juif, peuple juif si longtemps sans terre, sans institutions politiques, mais peuple juif partageant la même attitude morale, la même conception de la vie, la même tradition, la même foi, la même espérance, peuple juif que ni la violence ni la haine n’ont pu faire renoncer aux valeurs universelles que les prophètes d’Israël ont enseignées à tous les hommes.
Aucun exil, aucune épreuve n’avait pu arracher du cÅ“ur du peuple juif le souvenir de la Terre promise. Et après dix-neuf siècles, chacun au sein de ce peuple dispersé sur toute la terre se disait encore : « Je suis juif, parce que, né d’Israël, et l’ayant perdu, je l’ai senti revivre en moi, plus vivant que moi-même. » Au nom du peuple français, je veux dire mon amitié et mon respect à ce grand peuple d’Israël qui a accompli la promesse que tous les Juifs depuis la dispersion se transmettaient de génération en génération de revenir en « ce lieu où naquit le peuple juif, où se forma son caractère spirituel, religieux et national ».
Il y a donc soixante ans. Il y a donc soixante ans, cher Shimon, des femmes et des hommes dont le caractère s’était forgé au travers des pires épreuves de la vie proclamèrent « la fondation de l’État juif dans le pays d’Israël ». HERZL avait dit : « Si vous le voulez, ce ne sera pas une légende. » Ils le voulurent et la résurrection d’Israël cessa d’être une légende pour devenir une réalité.
Je veux dire mon admiration pour ces femmes, pour ces hommes d’exception qui voulaient un État où seraient assurées « une complète égalité des droits sociaux et politiques pour tous les citoyens, sans distinction de croyance, de race, ou de sexe », « la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture », « la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions ». Oui, je veux dire mon respect pour l’idéal qui les animait. Le rêve qu’ils poursuivaient était grand, parce qu’il était nourri par des siècles d’attente et par l’horreur qu’on lisait encore dans le regard halluciné des rescapés des camps d’extermination. Croyants ou non croyants, chacun d’entre eux, ce jour-là, ne put sans doute s’empêcher de se remémorer la parole biblique que tous les Juifs au monde n’avaient jamais cessé d’apprendre à leurs enfants : « Et l’Eternel dit à Moïse : Monte sur cette montagne et regarde le pays que je donne aux enfants d’Israël. »
Mais l’État d’Israël, ce n’est pas seulement l’accomplissement d’une promesse qui a toujours été au cÅ“ur de l’identité juive. L’État d’Israël, ce n’est pas seulement un retour aux sources. L’État d’Israël, ce n’est pas seulement l’expression d’une nostalgie. L’État d’Israël, ce n’est pas seulement la tentation de ressusciter un passé révolu. L’État d’Israël, c’est un État moderne, tourné vers l’avenir. C’est un État, permettez à un ami de le dire, à la fois national et tourné vers l’universel. Car c’est un État qui n’appartient pas seulement, l’État d’Israël, à ses citoyens, mais aussi à tous ceux qui dans le monde se reconnaissent comme les héritiers du judaïsme. Au milieu du malheur, ils n’ont jamais cessé d’espérer en un monde meilleur. Pour eux, il fut d’abord la preuve que cette espérance n’était pas vaine.
« Je ne revendique jamais mon origine juive que dans un cas, disait le grand historien français Marc BLOCH : en face d’un antisémite. » À ceux qui doutaient du patriotisme de Marc BLOCH, ce grand savant qui mourra assassiné par la Gestapo après avoir été torturé, Marc BLOCH répondait simplement, comme auraient pu le faire tant d’autres : « Moi, Marc BLOCH, mon arrière-grand-père fut soldat en 1793 ; mon père en 1870 servit dans un Strasbourg assiégé. Moi, Marc BLOCH, j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques dont les israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; et la France dont certains conspiraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être — qui sait ? — y réussiront, demeurera toujours pour moi, Marc BLOCH, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cÅ“ur. » Ainsi parlait ce grand Français, ce grand Juif, assassiné par la Gestapo, qui fait honneur à l’histoire de la République française.
Ils sont encore des millions, des millions de Juifs aujourd’hui dans le monde qui éprouvent comme Marc BLOCH un attachement charnel à la patrie dont ils ont appris la langue, la culture, respiré l’air depuis l’enfance. Mais leur cÅ“ur ne peut pas rester insensible au destin d’Israël parce que le destin de chaque Juif est lié au destin de tous les Juifs, parce que le fait qu’il y ait un État juif dans le monde dont la réussite soit aussi éclatante est pour chacun d’eux une source de fierté et de dignité, parce que chacun éprouve au fond de lui le sentiment que l’État d’Israël est le moyen par lequel le peuple juif peut de nouveau devenir acteur de sa propre histoire au lieu de la subir, parce qu’en Israël, le judaïsme ne se définit pas par rapport à l’antisémitisme, parce que pour chacun Israël est le foyer, où il sait qu’il pourrait se réfugier si par malheur un jour il n’avait plus nulle part où aller, parce que pour tous, Israël est le seul endroit au monde où il est sûr que l’on n’obligera jamais les Juifs à porter une étoile jaune, où l’on n’interdira pas aux Juifs de prendre l’autobus, de fréquenter les cinémas et les théâtres, d’occuper certains emplois, qu’on ne les obligera pas à habiter des quartiers pour les Juifs, à n’aller que dans des restaurants, des magasins, des écoles pour les Juifs.
L’État d’Israël est une réponse à l’interrogation angoissée que la petite Anne FRANK a notée dans son journal : « J’ai espéré que ce pays deviendrait ma patrie, à moi l’apatride ; je l’espère encore. » C’est une réponse à la prière de Rutka, la petite juive polonaise : « Je voudrais attacher des ailes à mes épaules pour m’élever très haut (···), m’envoler vers un endroit où il n’y aurait pas de ghetto. » L’État d’Israël appartient aussi à tous les Hommes parce que les valeurs qui le fondent sont des valeurs universelles. Ces valeurs sont des valeurs de justice et de droit. L’État d’Israël est une réponse à l’injustice que le peuple juif a subie si longtemps. Et cette injustice, je le dis ici de cette tribune, est un défi, un défi lancé à la conscience universelle. Il n’y a aucun autre État dans le monde qui se soit construit sur autant de douleurs et sur autant d’espérance. Il n’y a aucun autre État dans le monde dont l’existence même fut dès le départ à ce point liée à l’affirmation d’un idéal de justice et d’une volonté de vivre en paix. Il n’y a aucun autre État dans le monde que le vôtre qui, lors de sa naissance, suscita autant d’espoir de la part de tous ceux qui n’avaient jamais cessé d’opposer les forces de l’esprit à la barbarie.
On ne peut pas penser à Israël sans penser à l’histoire du peuple juif. On ne peut pas penser à Israël sans se souvenir des pogroms, des wagons plombés, des chambres à gaz. On ne peut pas penser à Israël sans penser au capitaine DREYFUS devant ses juges, aux femmes qui mouraient du typhus dans les camps de la mort, à tous les enfants martyrs de Yad Vashem.
Mais l’histoire du peuple juif n’est pas seulement celle de ses malheurs. Le peuple juif ne s’est pas contenté de subir. Le peuple juif a constamment opposé à tous ceux qui voulaient l’anéantir la force de son caractère, la puissance de sa pensée, la profondeur de sa culture et la vitalité de sa foi. Le peuple juif n’a pas laissé au monde que le souvenir de sa souffrance. Le peuple juif lui a donné aussi un trésor, un trésor de savoir et un trésor d’humanité. Où en serait la sagesse du monde sans les prophètes d’Israël ? Où en seraient la philosophie, la physique, la littérature, l’économie, sans les penseurs, les savants, les artistes, les entrepreneurs juifs du monde entier qui ont Å“uvré à toutes les époques au sein de toutes les nations, de toutes les cultures, de toutes les civilisations ? Où en serait le monde sans SPINOZA, sans FREUD, sans EINSTEIN ?
Israël est un pays où chacun vient greffer sur le tronc commun sa propre langue, sa propre culture, sa propre sensibilité, sa propre histoire, où chacun vient donner le meilleur de lui-même pour le bien de tous. En soixante ans, ce que vous avez accompli est prodigieux. C’est dans la diversité, la vitalité, l’ouverture de la pensée, la force de création propre au judaïsme, que se trouve le secret de votre réussite. Le judaïsme, c’est l’esprit prophétique qui ouvre l’avenir, qui appelle le progrès, qui réclame la justice. Le judaïsme, c’est une manière de penser forgée dans un rapport singulier aux textes bibliques, par des siècles de commentaires, d’interprétation, de dialogue ouvrant l’intelligence à tous les possibles, l’amenant à comprendre qu’il n’y a pas de vérités définitives ni de sens absolu.
Alors, au milieu des difficultés de tous ordres, les fondateurs de l’État d’Israël se sont battus avec toute la force de leur cÅ“ur et de leurs bras pour qu’il survive. Le peuple français s’est rangé, dès votre naissance, à vos côtés. Je suis venu vous dire que le peuple français sera toujours aux côtés de l’État d’Israël quand son existence sera menacée. Car on ne peut pas accepter la menace sur l’existence de l’État d’Israël. Après ce que l’Europe a connu, après le massacre des Juifs, on ne peut pas accepter que quiconque dans le monde dise qu’il veut rayer de la carte l’État d’Israël. Aujourd’hui, cette menace a pris la forme du terrorisme. Aucun peuple ne peut vivre sous la menace du terrorisme. Le terrorisme ne s’explique pas, le terrorisme ne se justifie pas. Le terrorisme se combat ! La France est pleinement engagée dans la lutte contre le terrorisme et, Madame la Présidente, quand vous m’appelez à dire que le terrorisme pourrait frapper la France, il a frappé la France. Oui, la France est l’amie d’Israël et la France sera toujours aux côtés d’Israël lorsque sa sécurité et son existence seront menacées. J’ai toujours pensé cela, je l’ai toujours ressenti au plus profond de mon cÅ“ur et je ne transigerai jamais avec cela. Et ceux qui appellent de manière scandaleuse à la destruction d’Israël trouveront toujours la France face à eux pour leur barrer la route.
Pour que les choses soient claires et qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je veux dire que le programme nucléaire militaire de l’Iran appelle une réaction d’une extrême fermeté de toute la communauté internationale. Israël doit savoir qu’Israël n’est pas seul ! La France est déterminée à poursuivre avec ses partenaires une politique alliant des sanctions de plus en plus dures jusqu’à l’ouverture, si Téhéran faisait le choix de respecter ses obligations internationales. Mais je veux le dire avec force : un Iran doté de l’arme nucléaire est inacceptable pour mon pays !
Mesdames et Messieurs, on doit la vérité à ses amis, sinon on n’est pas un ami. La vérité, c’est que la sécurité d’Israël, sur laquelle la France ne transigera jamais, ne sera véritablement assurée que lorsqu’à ses côtés, on verra un État palestinien indépendant, moderne, démocratique et viable. Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, je serais un piètre ami d’Israël si je pensais que dans cette démocratie israélienne, on n’était pas capable de dire ce que l’on ressent profondément au fond de son cÅ“ur.
Donc la France, amie d’Israël, intransigeante sur sa sécurité, la France se veut l’amie du peuple palestinien aussi. La France veut dire au peuple palestinien la vérité. Et la vérité, c’est que nul ne peut espérer rétablir les droits du peuple palestinien en niant ceux du peuple israélien et en appelant à la destruction d’Israël. La vérité, c’est qu’il faut que ce conflit sans fin s’arrête. La vérité, c’est qu’il faut que cette violence cesse. La vérité, c’est qu’il faut que cette haine qui dresse les peuples les uns contre les autres s’éteigne.
Il le faut, parce que les seuls gagnants de la violence et de la haine sont le fanatisme, le fondamentalisme, le racisme et l’antisémitisme. Il faut que la paix arrive parce que vous avez trop souffert. Il faut que la paix arrive parce qu’il y a eu trop de morts et trop de douleurs parce que Juifs et Musulmans, Israéliens et Palestiniens, au fond, vous partagez la même souffrance et la même douleur pour vos enfants. Nous savons tous qu’il ne peut y avoir d’issue que dans la compréhension et dans le respect de l’autre. Nous savons tous que l’avenir, votre avenir et celui de vos voisins, ne pourra se construire que sur le pardon et pas sur la vengeance.
Nous savons tous que la reconnaissance mutuelle des droits de chacun est la condition de la paix. Je suis le représentant d’un pays qui a dû pardonner à ses voisins. Je suis le représentant d’un pays qui a dû se réconcilier avec ses voisins. Chez moi, mon grand-père qui m’a élevé, qui était juif, n’appelait jamais les Allemands des Allemands, et pourtant, quand le général DE GAULLE et le chancelier ADENAUER ont dit aux Français et aux Allemands : « Il faut se réconcilier, maintenant, tout de suite », les Français l’ont fait.
Alors, comme tous les peuples, le peuple israélien a le droit de vivre en sécurité dans des frontières reconnues et garanties. Comme tous les peuples, le peuple palestinien a le droit d’avoir un État et d’y exercer sa souveraineté. Comme tous les peuples, le peuple israélien et le peuple palestinien vivront en paix le jour où chacun aura le sentiment que justice lui est rendue et où leurs rapports seront fondés sur le droit et non plus sur la force. Alors, bien sûr, c’est plus facile à dire pour moi, qui n’ai pas peur quand je m’endors dans mon appartement le soir. Bien sûr, c’est plus facile à dire pour moi qui n’ai pas peur quand je me promène mais en même temps, ces grands efforts que vous avez faits pour construire un État démocratique et puissant, faites-les, faites les mêmes pour construire la paix dont vos enfant seront les bénéficiaires.
Alors, c’est vrai, il ne peut y avoir de paix sous la menace du terrorisme. Il ne peut y avoir de reconnaissance mutuelle quand des roquettes tombent tous les jours sur des victimes innocentes. Mais il faut avoir le courage de le dire, je le dis, sans vouloir offenser personne, je le dis tout simplement : il ne peut y avoir de paix sans l’arrêt total et immédiat de la colonisation. Une proposition existe, soutenue par de nombreux membres de votre Knesset, pour l’adoption d’une loi qui inciterait au départ les colons de Cisjordanie, moyennant compensation et relogement en Israël. Je vous dis une chose : créez les conditions du mouvement !
Il ne peut y avoir de paix si les Palestiniens ne combattent pas eux-mêmes le terrorisme. C’est aux Palestiniens de le faire, chacun a sa part de travail à faire. Mais pas de paix non plus, permettez-moi de le dire, si les Palestiniens sont empêchés de circuler ou de vivre sur leur territoire. Il ne peut y avoir de paix sans que soit résolu le problème des réfugiés palestiniens dans le respect de l’identité et de la vocation d’Israël.
Il ne peut y avoir de paix, même si je sais combien le sujet est douloureux, sans la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de deux États et la garantie de la liberté d’accès aux Lieux saints pour toutes les religions. Il ne peut y avoir de paix sans une frontière négociée sur la base de la ligne de 1967 et des échanges de territoires qui permettront de construire deux États viables.
Mes chers amis, je veux vous dire une chose. Je n’ai à aucun titre à donner des leçons et je ne veux pas en donner. Quand cela ira mal pour l’État d’Israël, vous verrez qui seront vos amis et je ne suis pas du genre à trembler quand cela va mal mais je veux vous dire, puisque vous m’avez fait l’honneur de me permettre de m’adresser à vous, que je suis venu parler avec le cÅ“ur et non pas simplement avec la malice politicienne. Je suis venu parler non pas pour les quelques jours qui viennent, je suis venu parler pour l’avenir, et l’avenir est que vous êtes condamnés à vivre côte à côte. L’avenir, c’est qu’on ne change pas d’adresse comme cela. L’avenir, c’est qu’il faudra faire la paix un jour. Le plus tôt vous ferez la paix, le mieux cela sera pour vous et pour le monde. Alors, mes chers amis, beaucoup de ces efforts seront difficiles et douloureux, et je remercie d’ailleurs chacun des membres de la Knesset d’avoir eu le courage d’écouter ce que j’avais à dire, quand cela leur plaisait et quand cela leur plaisait moins. Ce sera difficile et douloureux mais bien moins douloureux que tout le sang versé dans un affrontement sans fin. La paix est douloureuse mais parlons de la guerre. Combien vos familles en ont payé le tribut ?
En me promenant tout à l’heure, je voyais la jeunesse de vos soldats, belle jeunesse, mais je me disais aussi : est-ce qu’un jour il ne leur serait pas plus utile d’entrer tout de suite dans la vie active que de devoir défendre l’identité et la survie de leur État ? Et cela, personne d’autre ne le donnera que vous, les Israéliens, et vous, les Palestiniens, si vous vous comprenez.
Depuis soixante ans, des hommes et des femmes de bonne volonté comme votre président ont essayé de trouver le chemin de la paix et certains, comme Itzhak RABIN, l’ont payé de leur vie. Mais chacune de leurs initiatives, chacun de leurs gestes a permis de progresser. La paix est faite avec l’Egypte, avec la Jordanie. Israël s’est retiré du Sinaï, du Liban et de Gaza. Il n’y a pas de geste inutile en faveur de la paix et peut-être sommes-nous plus près du but puisque, désormais, tout le monde se parle.
Et puisque la violence semble être suspendue, depuis quelques jours, à Gaza, je veux exprimer l’espoir de la libération du soldat Gilad SHALIT, retenu en otage depuis près de deux ans, comme de tous les prisonniers.
Annapolis a relancé une dynamique de paix, une année de négociations qui peuvent être décisives. Ne laissons pas échapper cet espoir de paix ! Je mesure toutes les difficultés qui doivent encore être surmontées. Mais je vous le dis : la paix est possible ! Elle est possible maintenant ! C’est ce que veulent, dans leur immense majorité, Israéliens et Palestiniens. Ne laissons pas vaciller, une fois de plus, la flamme de l’espoir !
La France que tant de souvenirs lient à cette région du monde, la France qui aime et qui respecte tous les peuples du Moyen-Orient, la France veut apporter sa contribution à la paix. Elle est prête à organiser sur son sol tous les pourparlers qui pourraient y conduire, qu’il s’agisse de la négociation israélo-palestinienne, du dialogue syro-israélien ou des discussions qui devront reprendre, un jour prochain je l’espère, entre Israël et le Liban. Sur ces trois volets du processus de paix, la France est prête à apporter sa garantie, prête à mobiliser sa diplomatie, ses ressources, ses soldats, comme elle le fait déjà, avec d’autres partenaires européens, au Sud Liban. C’est dans cet esprit qu’elle exercera à partir du 1er juillet la présidence de l’Union européenne, qu’elle travaillera au rehaussement des relations entre l’Union et Israël et participera au Quartet. Vous pouvez faire confiance à la France. Je sais bien qu’en Israël on n’ écoute les conseils que de ceux dont on a vraiment l’amitié et la confiance. Et je sais bien que, par le passé, vous vous êtes parfois demandé si l’on pouvait faire confiance à la France. Je vous demande de nous faire confiance, parce que nous voulons vous aider.
Encore une fois, je ne suis pas venu ici pour donner des leçons. C’est aux dirigeants du peuple d’Israël et aux Palestiniens qu’il appartient de faire la paix. Mais vous, les partenaires de la paix, vous devez savoir que vous pouvez compter sur l’Europe pour vous aider à aller vers un accord final : sécurité pour les deux États, compensation et relogement des réfugiés, appui à la construction d’un État de droit en Palestine, soutien économique et financier général à la paix.
C’est dans cet esprit que la France fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire aboutir le projet d’Union pour la Méditerranée qu’elle a proposé à tous les peuples de l’Europe et de la Méditerranée. Et à ma connaissance, Israël est un peuple méditerranéen. C’est dans cet esprit, aussi, que la France fera tout ce qui est dans son pouvoir pour faire aboutir le projet d’Union pour la Méditerranée qu’elle a proposé à tous les peuples de l’Europe et de la Méditerranée. L’enjeu est capital puisqu’il s’agit d’offrir un destin partagé à tous ces peuples. Le 13 juillet prochain, le sommet de Paris pour la Méditerranée donnera peut-être l’espoir que ce qui nous sépare finira par devenir un jour moins fort que ce qui nous rassemble. . Il exprimera la volonté commune de tisser entre tous les peuples des liens de solidarité de plus en plus étroits, témoignant ainsi que le vieux rêve de l’unité du monde méditerranéen n’est pas mort mais qu’au contraire il est assez vivant pour pouvoir encore soulever le monde. Israël, comme l’Autorité palestinienne, comme le Liban, comme la Syrie y trouveront leur place aux côtés de l’Egypte, de la Jordanie et de tous les pays du Maghreb arabe. Alors, mes chers amis peut-être, pourrons-nous espérer qu’un jour les enfants de la Méditerranée cesseront de se haïr — car il n’y a que de la haine, il faut que cela cesse — et de vouloir dès la naissance venger les malheurs de leurs pères — on ne doit pas apprendre cela à ses enfants.
C’est dans cet esprit aussi que la France soutiendra tous les projets de développement économique régional chers au président Shimon PÉRÈS. Oui, nous avons besoin de la « vallée de la paix » ! Quel plus beau symbole de paix que ce partage de l’eau, source de toute vie, entre les trois peuples d’Israël, de Palestine et de Jordanie ?
Au Moyen-Orient se mélangent et s’affrontent depuis des millénaires des peuples qui ont donné à l’Humanité tout entière ce qu’il y a de plus élevé dans la pensée, de plus beau dans la religion, de plus important dans le savoir. Mais au Moyen-Orient, tous les peuples, tous, dans leurs prières, parlent d’amour, de justice et de paix. Au Moyen-Orient, tous les peuples aiment la vie. Tous sont les enfants d’Abraham. Tous ont la Bible en partage. Et avec cela, on va continuer à avoir une guerre millénaire ? Ayant bu à la même source, car vous avez bu à la même source, ayant partagé si souvent la même histoire, les peuples du Moyen-Orient ont tout pour se comprendre et s’entendre. Et cette terre pour laquelle ils se battent avec tant de désespoir, cette terre qui les a vus naître, cette terre où reposent vos morts, cette terre dans laquelle s’inscrit le souvenir de vos souffrances et de vos joies, pardon de vous le dire, où vous vous ressemblez tant, cette terre dont on pressent, en regardant ce qui a été accompli ici, en Israël, ce qu’elle pourrait donner à force d’intelligence, de travail et de courage, cette terre, la vôtre, pourrait devenir un paradis pour tous, grâce à laquelle la misère pourrait être vaincue si elle n’était si souvent ruinée par la guerre, cette terre, la vôtre, qui pourrait être si féconde si tous la travaillaient ensemble au lieu de verser sur elle le sang des innocents, cette terre, elle est si belle qu’elle devrait unir les peuples au lieu de les opposer.
En allant au fond d’eux-mêmes, en s’interrogeant sur leur histoire, leurs croyances, leurs valeurs, en regardant ce monument qui va être construit à Jérusalem par deux artistes français, ce livre de la paix pour les peuples du Livre, dans la ville du Livre, un jour prochain, j’en suis sûr, les femmes et les hommes de cette terre magnifique trouveront davantage de raisons de se parler pour faire la paix que de se haïr pour continuer à s’affronter. Juifs, Chrétiens ou Musulmans, ils se rappelleront la parole du prophète Isaïe : « Je ferai de Jérusalem mon allégresse. Et de mon peuple ma joie. On n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris. Ils bâtiront des maisons et les habiteront. Ils planteront des vignes et en mangeront les fruits. Ils ne travailleront plus en vain et ils n’auront plus des enfants pour les voir périr. »
Je veux vous le dire du fond du cÅ“ur, et c’est un ami cher et indéfectible d’Israël qui vous le dit : quand on est fort, on doit tendre la main, quand on a fait le chemin que vous avez fait depuis soixante ans, triomphé de toutes les guerres alors, on doit être les triomphateurs de la paix, on doit la vouloir plus que tous les autres. On doit montrer le chemin, et qu’il me soit permis de vous dire, du fond du cÅ“ur, que la France ne vous abandonnera pas sur ce chemin, qu’elle sera votre amie, que la France vous admire, que la France vous respecte. Vive la France, vive Israël. Vive la paix pour Israël et pour la Palestine qui est une nécessité pour la paix du monde. Je vous remercie.