Discours de François Hollande sur la crise des réfugiés

FRANÇOIS HOLLANDE

Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,

Mesdames, Messieurs,

Je veux d’abord remercier le Président Obama pour avoir pris cette initiative avec les deux co-présidents qui organisent ce sommet qui vient après la réunion du Secrétaire général Ban Ki-moon.

Les réfugiés, c’est la plus grave crise que rencontrent les Nations Unies depuis leur création. Il y a eu d’autres épreuves ces soixante-dix dernières années. Mais jamais il n’y avait eu autant de réfugiés dans autant de régions du monde. Parfois il s’agissait de répondre à un conflit, à un drame, à un dérèglement climatique, à une famine. Mais là, tout s’est conjugué pour faire de la crise des réfugiés une crise globale. Aucun continent n’est d’ailleurs à l’abri de cette question. Nous avons beaucoup parlé de l’Europe, parce les Européens parlent beaucoup de l’Europe et de leur continent. Mais en fait, la crise des réfugiés, elle concerne d’abord le Moyen-Orient et l’Afrique et je n’oublie pas l’Asie.D’abord, au Moyen-Orient, trois pays subissent le choc de la guerre en Syrie et en Irak : la Jordanie, le Liban, la Turquie. Et ces pays accueillent plusieurs millions de réfugiés et depuis plusieurs années, avec une crainte, au-delà de l’hospitalité qui leur a été donnée : est-ce que ces réfugiés vont rester ? Ou est-ce que ces réfugiés vont à un moment, et sans doute le plus tôt sera le mieux pour eux, retourner dans leur propre pays ?delà de l’hospitalité qui leur a été donnée : est-ce que ces réfugiés vont rester ? Ou est-ce que ces réfugiés vont à un moment, et sans doute le plus tôt sera le mieux pour eux, retourner dans leur propre pays ?

Mais quand une guerre dure, quand une crise perdure et que des réfugiés sont dans un pays depuis trois ans, quatre ans, c’est un fardeau et en même temps une épreuve pour ces pays qui ont à faire des arbitrages quotidiens pour assurer l’alimentation, mais aussi les services essentiels à cette population et avec les tensions qui peuvent exister à l’intérieur. Donc la France a considéré qu’elle devait multiplier son aide aux réfugiés. Et d’abord augmenter de 100 millions d’euros nos contributions auprès des agences des Nations Unies. Pour la période 2016-2018, au-delà de ce que nous faisons sur le plan multilatéral, nous allons déployer des dons, particulièrement au Liban avec notamment 50 millions d’euros qui seront destinés uniquement à la scolarisation des enfants réfugiés. En Jordanie, où l’agence française de développement va consacrer près d’un milliard de prêt pour que nous puissions fournir un certain nombre d’équipements qui seront utilisés pour les réfugiés mais aussi pour la Jordanie pour assurer son propre développement et avec une idée de faire travailler des réfugiés, car ils demandent eux aussi à être reconnus comme des travailleurs. Et nous faisons aussi avec la Turquie, dans le cadre européen, un soutien qui est indispensable si nous voulons que les réfugiés restent sur place.

Nous avons beaucoup parlé du Moyen Orient, mais il y a aussi l’Afrique qui est principalement concernée, et depuis longtemps, par la question des déplacés et réfugiés qui fuient leur pays à cause des guerres, à cause des conflits, à cause d’un certain nombre de régime, disons-le aussi franchement ; mais aussi parce que c’est l’espoir d’un avenir meilleur en Europe. Et la crise en Libye, le chaos qui s’y est installé favorise nécessairement les mobilités vers l’Europe.

Je veux insister sur la situation critique de la région du lac Tchad où, là encore, le terrorisme, celui provoqué par Boko Haram, a entrainé 2,5 millions de déplacés, 200 000 réfugiés, 5 millions de personnes dans l’insécurité alimentaire, dont 300 000 enfants. Là encore l’urgence est de pouvoir ouvrir des centres de santé, assurer des points d’eau, veiller à ce que des programmes d’éducation puisse être organisés. Là encore la France va mettre rapidement en place un nouvel instrument de financement à travers l’Agence française de développement pour agir en faveur du développement du lac Tchad.

Et puis il y a ce que nous devons faire, et ce sont des engagements qui ont été pris par beaucoup de pays ici représentés, pour accueillir nous-mêmes des réfugiés. C’est ce que fait la France au titre du droit d’asile. L’an dernier 20 000 personnes ont obtenu le statut de réfugié et il y a 10 000 Syriens qui ont été accueillis depuis le début de la crise.

Dans le cadre européen, et ça a été l’objet d’une discussion difficile, chacun le sait, nous nous sommes engagés à accueillir 30 000 réfugiés venant de Grèce, d’Italie et de Turquie d’ici décembre 2017 et nous poursuivrons les programmes de réinstallation que nous avons mis en Å“uvre avec le HCR au Liban et en Jordanie. Cet effort de réinstallation est, à mon sens, une bonne démarche et un bon exemple de ce qu’il est possible de faire. Puisque nous sommes sûrs des personnes que nous accueillons, nous pouvons vérifier leur parcours, connaître l’origine de leur drame et nous pouvons nous assurer préalablement qu’ils puissent disposer d’une formation, d’un encadrement et être accueillis dans de bonnes conditions dans nos propres pays.

Mais en même temps que nous devons assurer notre devoir humanitaire, faire prévaloir le droit d’asile, nous devons aussi contrôler nos frontières. Ce serait une incantation et même ce serait nourrir une illusion que de laisser penser que nous pouvons accueillir, accueillir sans cesse, non seulement des réfugiés, alors même que parfois il n’y a d’autre solution que de venir jusqu’à nous mais je parle des migrants. Nous devons tout faire pour que les frontières soient contrôlées et tout faire pour que ceux qui sont tentés par la migration puissent rester dans leur propre pays.

Mais une fois que j’ai dit ça, cela suppose que nous puissions d’une part régler les crises qui ont provoqué les déplacements. Je ne reviens pas ici sur la Syrie, sur ce qui se passe en Libye ou ce qui se passe aussi dans la région du lac Tchad. Lutter contre le terrorisme c’est finalement la première exigence que nous devrons avoir si nous voulons régler la question des réfugiés.

Mais nous devons aussi assurer le développement. Là-encore si nous voulons éviter les réfugiés demain, nous devons assurer le développement et la croissance dans les pays qui sont les plus pauvres et qui sont les plus vulnérables. Et si la France est autant engagée sur la question climatique, ce n’est pas simplement parce que c’est la planète qui est en cause et son avenir, et ce n’est pas simplement parce que le réchauffement provoquerait un certain nombre de dommages, y compris dans les pays que je représente ici. C’est parce qu’une des premières causes de déplacement, des migrations, des réfugiés, est une cause climatique. Et c’est pourquoi j’appelle une nouvelle fois à ce que l’Accord de Paris puisse être ratifié dans les meilleurs délais.

De la même façon, si nous voulons qu’il y ait une maitrise des flux migratoires, nous devons consacrer davantage d’investissements pour l’Afrique. Et ça a été l’objet de l’appel que j’ai lancé pour un plan de développement en Afrique, et notamment pour des énergies renouvelables. C’est ce que nous avons fait aussi cet après-midi pour mobiliser toutes nos forces et que les engagements pris à Paris pour permettre que tous les Africains puissent accéder à l’électricité trouvent enfin leur traduction. La présidente de la COP, Ségolène Royal, s’est mobilisée pour que nous puissions développer tous ces projets.

Voilà, Mesdames et Messieurs, il ne s’agit pas simplement de savoir qui va prendre la part du fardeau, qui va accepter de répartir des réfugiés tout au long des prochaines années, il s’agit d’organiser une véritable politique pour lutter contre les causes mêmes des mouvements de population, des déplacements. Il s’agit de régler les crises et d’assurer le développement. Il s’agit tout simplement de ne pas subir mais d’agir.

Merci.