Citoyens,
Je veux vous entretenir aujourd’hui d’un sujet qui n’a point encore été traité, que je sache, par aucun écrivain politique. Je parle du pouvoir de la calomnie. Il fallait une révolution telle que la nôtre, pour la déployer dans toute son étendue. Je vais vous révéler les prodiges qui l’ont signalé ; & vous conviendrez que ce sera puissamment contribuer aux progrès de l’esprit public & de la vérité.
Sous le régime despotique, tout est petit, tout est mesquin, la sphère des vices, comme celle des vertus, est étroite. Sous l’ancien gouvernement, la puissance de la calomnie se bornait à diviser les frères, à brouiller les époux ; à élever la fortune d’un intrigant sur la ruine d’un honnête homme ; elle n’opérait de révolutions, que dans les antichambres & dans le cabinet des rois ; le plus noble de ses exploits consistait à déplacer des ministres, ou à chasser des courtisans. Notre révolution lui a ouvert une immense carrière. Ce ne sont plus des individus ; c’est l’humanité elle-même qui est devenue l’objet de ses trames perfides. Compagne inséparable de l’intrigue, elle a embrassé, comme elle, l’univers, dans ses complots. Toutes les factions qui se sont élevées, l’ont invoquée, tour à tour, pour combattre la liberté.
L’opinion avait donné le branle à la révolution ; l’opinion pouvait seule l’arrêter ; chaque parti devait donc naturellement faire tous ses efforts pour s’en emparer. Les intrigans savaient bien que la multitude ignorante est portée à lier les principes politiques, avec les noms de ceux qui les défendent ; ils se sont appliqués sur-tout à diffamer les plus zélés partisans de la cause populaire. Ils ont fait plus, ils ont calomnié la liberté elle-même. Mais comment déshonorer la liberté ? Comment diffamer même ceux qui défendent publiquement sa cause ? Il n’était qu’un seul moyen d’y réussir, c’était de peindre chaque vertu, sous les couleurs du vice opposé, en l’exagérant jusqu’au dernier excès. C’était d’appeler les maximes de la philosophie appliquées à l’organisation des sociétés politiques, une théorie désorganisatrice de l’ordre public ;de nommer le renversement de la tyrannie, anarchie ; le mouvement de la révolution, troubles, désordres, factions ; la réclamation énergique des droits du peuple, flagornerie séditieuse ; l’opposition aux décrets tyranniques qui réduisent la plus grande partie des citoyens à la condition d’ilotes, déclamation extravagantes ou ambitieuses ; c’était, en un mot, de flétrir les choses honnêtes & louables, par des mots odieux, & de déguiser tous les systèmes de l’intrigue & de l’aristocratie, sous des dénominations honorables ; car on connaît l’empire des mots sur l’esprit des hommes. Or, les hommes de la révolution étaient des hommes de l’ancien régime ; & par-tout où il y a un sot, un homme faible ou pervers, la calomnie & l’intrigue trouvent à coup sûr une dupe ou un agent. Par là, on trouvait le moyen de ressusciter les préjugés & les habitudes faibles ou vicieuses de l’ancien régime pour les opposer aux sentimens généreux, aux idées saines & pures que suppose le règne de la liberté. Ainsi, on faisait passer l’opinion publique, par une route oblique tracée entre les excès monstrueux de l’ancien régime & les principes du gouvernement juste qui devait les remplacer, pour la conduire au but des intrigans ambitieux qui voulaient la maîtriser.
Suivez les progrès de la calomnie, depuis l’origine de la révolution, & vous verrez que c’est à elle que sont dûs tous les événemens malheureux qui en ont troublé ou ensanglanté le cours. Vous verrez que c’est elle seule qui s’oppose encore au règne de la liberté & de la paix publique.
N’est-ce pas la calomnie qui, par la bouche des prêtres, peignant les travaux de l’assemblée constituante, comme autant d’attentats contre la morale & contre la divinité, arma la superstition contre la liberté, qui fit couler le sang des citoyens à Nimes, à Montauban, & dans plusieurs contrées de l’empire français ?
N’est-ce pas la calomnie qui arrêta longtems les progrès de l’esprit public, tantôt en flétrissant du nom de régicides les premiers représentans de la nation, qui n’osaient pas même toucher à la royauté, tantôt en présentant les défenseurs des droits de l’humanité comme les perturbateurs de la société & comme les apôtre insensé de la loi agraire ?
N’est-ce pas la calomnie qui, déliant toutes les langues aristocratiques, prêchait dès lors la guerre civile, en excitant la haine & la jalousie des provinces contre les parisiens ? n’est-ce pas elle qui voulait flétrir le berceau de la liberté par ces déclamations éternelles contre les premiers actes de la justice du peuple exercée sur quelques scélérats qui avaient conspiré sa ruine ? N’est-ce pas elle qui éleva une barrière entre la révolution & les autres peuples de l’Europe, en leur montrant sans cesse la nation française comme une horde de cannibales, & le tombeau de la tyrannie comme le théâtre de tous les crimes.
Je viens de vous développer le système des champions déclarés du despotisme & de l’aristocratie. Lafayette vint, & le perfectionna. Personne, avant lui, n’avait aussi bien connu la puissance de la calomnie, ni l’art de la mettre en oeuvre. La cour avait cultivé les heureux talens qu’il avait reçus de la nature.
Tout le monde connaît maintenant quel était l’objet de ses vues politiques. Ce petit émule de Monk ou de Cromwell, qui n’était pas plus le chef que l’instrument de la faction qu’il avait embrassée, voulait créer un parti mitoyen entre l’aristocratie hideuse de l’ancien régime & le peuple, & l’appuyer de toute la puissance royale, en faisant entrer Louis XVI dans ce projet. Or, pour le réaliser, il fallait encore commencer par présenter le parti du peuple lui-même, comme une faction. Il fallait travestir la morale de l’égalité & de la justice sociale, en système de destruction & d’anarchie ; peindre les plus zélés défenseurs de la liberté, soit dans l’assemblée constituante, soit dans Paris, soit dans tout l’empire, sous des traits effrayants pour l’ignorance & pour les préjugés. On les montrait aux grands propriétaires comme les flatteurs des artisans & des pauvres ; aux marchands, comme les fléaux du commerce ; aux hommes pusillanimes, comme les auteurs de tous les mouvemens de la révolution, & comme les perturbateurs de la paix publique ; à tous, comme des extravagans ou comme des séditieux. Le chef-d’oeuvre de la politique de ce parti fut de faire servir à ses projets le nom des lois & le prestige de la constitution même. Tandis qu’il mettait tout en oeuvre pour la modifier selon leurs vues ambitieuses & les intérêts de la cour, il s’attachait à persuader que les amis de la liberté, dont le seul voeu était alors de la voir exécuter de manière loyale & populaire, n’avaient d’autre but que de la détruire. Cette constitution, dont tous les vices étaient son ouvrage, devint bientôt entre ses mains un instrument de tyrannie & de proscription. Toujours nulle pour protéger les patriotes persécutés, elle était toujours active pour justifier les attentats contre la liberté, pour pallier tous les complots de la cour & de l’aristocratie.
Par ce système de calomnie, on fournit à tous les mauvais citoyens, trop prudens ou trop lâches pour arborer ouvertement les livrées de l’aristocratie, le moyen de combattre la liberté, sans paraître déserter ses drapeaux. On détacha de la cause populaire tous les hommes timides, faibles ou prévenus. Les riches, les fonctionnaires publics, les égoïstes, les intrigans ambitieux, les hommes constitués en autorité, se rangèrent en foule sous la bannière de cette faction hypocrite, conne sous le nom de modérés, qui seule à mis la révolution en péril.
Ainsi on voit que la calomnie est encore la mère du feuillantisme, ce monstre doucereux qui dévore en caressant, & qui a pensé tuer la liberté naissante, en secouant sur son berceau tous les serpens de la haine & de la discorde. C’est la calomnie qui fonda ces clubs anti-populaires, destinés à assurer l’empire de la faction en dégradant l’opinion publique ; c’est elle qui poursuivit avec un si long & si ridicule acharnement, les jacobins & les sociétés populaires pour anéantir, avec eux, le patriotisme & le peuple.
N’est-ce pas la calomnie qui avait préparé ces forfaits, par des forfaits plus abominables encore, lorsque Lafayette & ses complices égorgèrent, sur l’autel de la patrie, cette multitude de patriotes, paisiblement assemblés, pour provoquer par une pétition le jugement de Louis XVI ? Comme en un moment, elle couvrit toute le France d’un voile funèbre ! Avec quelle facilité elle rendit tous les défenseurs de la liberté, les objets de la prévention & de la haine publique, sous les noms de factieux, de républicains, &c., &c., &c.
C’est la calomnie seule, qui fit absoudre la tyrannie & la trahison, dans la personne du dernier de nos rois. Quel est donc son fatal ascendant, puisqu’alors réclamer, dans la tribune de l’assemblée constituante, la juste sévérité des lois, & les droits de la nation outragée, ne paraissait aux représentans de la nation qu’un langage séditieux, qu’un projet coupable de renverser toutes les lois & de dissoudre l’Etat ? Quel est ce pouvoir magique de changer la vertu en vice, & le vice en vertu ! de donner à la sottise, à la corruption & à la lâcheté, le droit d’accuser hautement la courage, l’intégrité & la raison ! j’ai vu ce scandale. J’ai vu les délégués d’un grand peuple, vils jouets des perfides charlatans qui trahissaient la patrie, redouter, calomnier le peuple, déclarer la guerre à ceux de ses mandataires qui voulaient rester fidèles à sa cause ; leur imputer à crime, & l’estime de leurs concitoyens, & les mouvemens spontanés de l’indignation publique, provoqués par la tyrannie ; croire stupidement à tous ces fantômes de complots, de brigandage, de dictature, dont on les épouvantait ; je les ai vu applaudir eux-mêmes à leur sagesse, à leur modération, à leur civisme, lorsqu’ils renversaient, de leurs propres mains, les bases sacrées de la liberté qu’ils avaient fondée. Je m’en souviens encore, le lendemain de ce jour cruel, qui éclaira le massacre des meilleurs citoyens, dont la démarche légitime nous était aussi étrangère que le crime de leurs bourreaux, j’ai vu Pétion, qui alors luttait aussi contre les intrigans, accueilli par les sénateurs français, à peu près comme Catilina le fut un jour, par le sénat romain. Moi-même j’éprouvai le même sort ! & de plus, la coalition coupable qui maîtrisait l’assemblée constituante, ces mêmes hommes que la république a proscrit comme des traîtres, agitèrent sérieusement, avec nos collègues, dans leur club anti-révolutionnaire, la question de faire rendre contre moi, un décret d’accusation, &, s’il eut été proposé, ce n’eût peut-être pas été la justice qui aurait arrêté l’assemblée nationale, mais quelque reste de pudeur.
C’est la calomnie qui alors éleva le monstrueux ouvrage de la révision de l’acte constitutionnel.
C’est elle qui, avant cette époque, avait assassiné à Nancy les plus zélés défenseurs de la liberté ; c’est elle, qui immola ou chassa de nos armées, avec des cartouches infamantes, par des jugemens iniques & par les ordres arbitraires de l’aristocratie, les soldats les plus dévoués pour la cause publique. C’était elle, qui dans toutes ces occasions dictaient les lettres des officiers de l’armée, les rapports des ministres, des corps administratifs, les discours des législateurs qui prostituaient leur organe à l’intrigue. C’est elle qui remplit nos cachots des citoyens dont les tyrans redoutaient l’énergie ; c’est elle, qui, depuis le commencement de la révolution, a fait couler cent fois le sang du peuple, au nom de la loi barbare, dont le nom seul déshonore les législateurs français.
Dieux ! à quelles méprisables causes tiennent les malheurs des nations ! & comme le philosophe doit sourire de pitié, lorsqu’il voit de près les vils ressorts des grands événemens qui changent quelquefois la face du globe !Lafayette fut deux ans au moins un grand homme,& le héros des deux mondes. Le mérite de bien payer, ou de caresser des faiseurs de journaux, lui tint lieu de talens & de vertus ; & peu s’en fallut que ce petit homme s’élevât à la dictature, sur des tas de pamphlets. Les folliculaires tiennent dans leurs mains la destinée des peuples. Ils font ou défont les héros, comme un certain Warwick faisait & défaisait les rois. Aussi, comme les princes calculent leurs forces par la multitude de leurs soldats & par les ressources de leurs finances, les chefs des factions rivales, parmi nous, calculent les leurs par le nombre de leurs écrivains & par les moyens pécuniaires qu’ils ont de les alimenter. Lafayette était pénétré de ces grands principes ; il sut s’environner d’une armée de journalistes : la Gazette Universelle, l’Ami des Patriotes, le Journal de Paris, la Chronique, Monsieur Perlet lui-même, & tant d’autres firent à son parti plus de conquêtes dans l’espace de quelques mois, qu’il n’en eût pu faire lui-même à la révolution, durant un demi-siècle, même à la tête d’une armée française.
Indépendamment de ces grands moyens, il avait fondé les plus belles fabriques, & les plus magnifiques arsenaux que l’on eût encore vu, de libelles, soit lucratifs, soit vitupératifs, soit éphémères, soit périodiques, qu’il pouvait transporter à chaque instant aux extrémités de l’empire, soit par le ministère de ses aides-de-camps, soit par celui du gouvernement. Je n’ai pas besoin d’observer qu’il n’oubliait pas de tirer parti de son crédit à la cour, & de ses rapports avec la liste civile, pour étendre chaque jour ces utiles établissements.
Cependant comme la vérité a aussi une puissance & ses soldats, lapetite phalange des jacobins & des défenseurs de la liberté le harcelaient dans sa marche avec assez de succès. Il ne pût jamais l’entamer, aussi long-tems qu’il demeura séparé d’une autre faction, qui combattait quelquefois avec les patriotes pour arriver à la domination par une autre route.
Je parle de celle qui avait pour chefs les Lameth, Barnave & Duport. Mais lorsque quelque tems avant la fuite de Louis XVI, elles se confondèrent, pour accabler le parti du peuple, les Lameth renforcèrent le corps d’armée des libellistes de Lafayette, par la jonction de ceux qui étaient à leur solde, & sur-tout du Logographe, journaliste très fidèle car il remplissait scrupuleusement l’engagement qu’il avait contracté avec le maître de la liste civile, de défigurer les opinions des députés patriotes, & d’embellir celles des orateurs vendus à la cour.
Ce fut alors que les deux factions combinées, retranchées sous le château des Tuileries,& à l’abri de la partie de la constitution qui protégeait le despotisme royal, tombèrent sur les patriotes avec toutes leurs forces, & remportèrent les victoires du champ-de-mars, de l’inviolabilité absolue & de la révision. Ce fut alors que la France entière fut désolée par l’épidémie du feuillantisme.
Durant cette période, Lafayette & ses alliés régnèrent en effet sur la France. Il était le héros, le libérateur de la nation. Il parut au milieu du corps législatif ; le président lui dit : » la nation montrera avec fierté, àses amis & à ses ennemis la constitution & Lafayette «, & le corps législatif applaudit avec transport. Il vint une autre fois traiter les représentans du peuple beaucoup plus durement que Louis XVI ne harangua le parlement de Paris, le jour où il vint le visiter, le fouet à la main ; & les représentans du peuple se prosternèrent devant lui, un peu plus bas que la parlement de paris devant Louis XVI.Pendant toute la durée de son empire, toute parole, tout écrit qui attaquait Lafayette, était un crime. Tous les patriotes, dont les cachots regorgeaient, le savent bien. Médire de Lafayette, c’était détruire la discipline militaire, c’était favoriser Coblentz & l’Autriche, c’était prêcher l’anarchie & bouleverser l’Etat. Aujourd’hui encore ilne resterait à ceux qui avaient le courage de dénoncer ses crimes passés, & de prédire ceux qu’il méditait, que le nom de fous ou de factieux, s’il n’avait pris le soin de se dénoncer lui-même, & s’il n’avait voulu abuser trop brusquement de la crédulité, j’ai presque dit de la stupidité publique. Le peuple de paris, qui le détestait depuis long-tems, quand on l’adorait ailleurs, & les fédérés des autres départemens, aidés par Lafayette lui-même, renversèrent le monstrueux édifice de sa réputation & de sa fortune, qui ne tomba qu’avec le trône.
Toutes les factions ont-elles été ensevelies sous ses ruines ? L’égoïsme, l’ambition, l’ignorance, tous les préjugés & toutes les passions ennemies de l’égalité ont-elles disparu avec Lafayette ? Non, son esprit vit encore au milieu de nous ; il a laissé des héritiers de son ambition & de ses intrigues. Et quels succès ne peuvent-ils pas se promettre encore, avec un peuple aussi confiant, aussi léger que généreux, qui a longtemps encensé de si ridicules idoles ? Que dis-je ? Otez le mot république, je ne vois rien de changé. Je vois partout les mêmes vices, les mêmes cabales, les mêmes moyens, & surtout la calomnie. Vous qui vous disposez à me démentir, si vous êtes de bonne foi, apprenez à vous défier de vous-mêmes, songez que votre usage est d’apercevoir la vérité deux ans trop tard ; songez qu’il est bien des intrigues funestes, dont vous favorisiez le succès par votre nonchalante incrédulité, & que j’ai dévoilées. Si vous êtes de mauvaise foi, je vous récuse ; ce que je vais dire vous intéresse. Qui que vous soyez, qu’aurez-vous à répondre à des faits ? Que direz-vous, quand je vous aurai démontré qu’il existe une coalition de patriotes vertueux, de républicains austères, qui perfectionnent la criminelle politique de Lafayette & de ses alliés, comme ceux-ci avaient perfectionné celle des aristocrates déclarés. Je n’aurai pas même besoin de vous les nommer, vous les reconnaîtrez à leurs Å“uvres.
Que dis-je ? Dans tout ce que je viens de dire jusqu’ici, n’avez-vous pas cru lire l’histoire des intrigues du jour ? n’avez-vous pas reconnu leur tactique & leur langage ?
Après la révolution du 14 juillet, vous avez entendu les aristocrates crier à l’anarchie, parler de démagogues incendiaires, déplorer éternellement le brûlement de quelques château & la punition de quelques scélérats. Vous avez vu Lafayette & ses complices commenter ensuite ce texte, à leur manière, & dans le même esprit.
Que fait la faction nouvelle, depuis la révolution du 10 août ? Elle crie à l’anarchie, parle sans cesse d’un parti désorganisateur, de démagogues forcenés, qui égarent & qui flattent le peuple. Brigandage, assassinats, conspirations ; voilà toutes les idées dont elle entretient sans cesse les quatre-vingt-trois départemens. Seulement au mot de factieux, usé par ses prédécesseurs, elle a substitué celui d’agitateur, un peu moins trivial ; car elle sait, comme eux, qu’on conduit les sots & les ignorants. Et à qui adresse-t-elle ces reproches ? Aux aristocrates, aux émigrés, aux royalistes ? Non. Aux feuillans ? aux modérés hypocrites ? aux patriotes dont le zèle républicain remonte jusqu’au 10 août ? Non ; aux patriotes, qui, depuis le commencement de la révolution, étrangers à toutes les factions, imperturbablement attachés à la cause publique, ont marché par la même route au but unique de toute constitution libre, le règne de la justice & de l’égalité, à ceux qui se sont montrés dans la révolution du 10 août & qui veulent qu’elle ait été faite pour le peuple, & non pour une faction ; enfin à ceux-là même qui furent les objets éternels des persécutions de Lafayette, de la cour & de tous leurs complices.
Les aristocrates & les feuillans trouvaient toujours quelques motifs pour méconnaître les droits du peuple, ou pour avilir son caractère.
Les intrigans de la république les copient, en cela, avec une exactitude servile. Comme leurs devanciers, ils déclament contre le public qui assiste aux séances de l’assemblée nationale. Ils n’ont pas dédaigné d’adopter les bons mots des plus insolens détracteurs du peuple. Comme eux, ils s’égaient sur le souverain des tribunes, sur le souverain de la terrasse des feuillans. D’André & Mauri auraient le droit de poursuivre, comme plagiaires, tels journalistes, prétendus patriotes, que leurs lecteurs peuvent reconnaître à ce trait.
Les aristocrates & les feuillans osaient imputer aux amis de la liberté l’absurde projet de la loi agraire. Mais c’était en rougissant, & dans les ténèbres, qu’ils faisaient circuler cette calomnie. Les intrigans de la république l’ont affiché sur les murs de paris ; ils l’ont fait débiter à l’assemblée législative où ils dominaient, par un ministre qui est leur créature, & c’est contre l’assemblée électorale même du département de paris qu’ils ont osé diriger cette absurde inculpation, démentie par la notoriété publique & par l’indignation universelle. Il y a plus, lorsqu’immédiatement avant le décret de l’abolition de la royauté, provoqué par un député de Paris, un autre du même département, connu par les grands services qu’il a rendus à la révolution, eut fait décrété que toutes les propriétés étaient sous la sauvegarde de la nation, n’a-t-on pas vu l’un des journalistes & des coryphées de la coalition dont je parle, membre aussi de la convention nationale, imprimer le lendemain, que cette motion n’avait point été faite de bonne foi ?
Vous avez vu les aristocrates & les feuillans déclamer éternellement contre paris. Les intrigans de la république déclament éternellement contre paris ; avec cette différence, que, de la part des premiers, ce n’était que des déclamations, & que, de la part des autres, c’est une conspiration contre Paris & contre la république entière.
Voyez avec quel acharnement ils accusent cette cité du projet insensé de vouloir subjuguer la liberté du peuple français, au moment où elle vient de l’enfanter. Voyez comme ils lui reprochent son opulence, quand elle s’est ruiné pour la défense de la cause commune. Voyez comme ils érigent en privilège odieux le séjour fortuit de l’assemblée représentative dans son sein, lorsque c’est à cette circonstance que sont dus, en grande partie,& la naissance & les progrès de la révolution. Voyez comme ils vont jusqu’à lui faire un crime même de rappeler ses services & ses sacrifices pour répondre à leurs calomnies. Prennent-ils même soin de dissimuler que c’est en haine de la liberté qu’ils lui déclarent la guerre ? Et pourquoi donc ne cessent-ils d’outrager l conseil général de la commune, qui s’est dévoué à toutes les fureurs de la cour dans la nuit du 9 au 10 août ; qui a donné à cette immortelle révolution le mouvement nécessaire pour foudroyer le despotisme ? Pourquoi ne cessent-ils d’outrager les sections qui l’ont choisi ;les section qui ont choisi ces mêmes électeurs qu’ils ont diffamé avec tant d’audace ; qui ont ratifié solennellement, par elles-mêmes le choix de ces mêmes députés, qu’ils ne rougissent pas de proscrire ; ces sections enfin qui ont mérité la reconnaissance, non du peuple français, mais de l’humanité, par la profonde sagesse avec laquelle elles ont préparé, pendant plus de quinze jours, la dernière révolution ; par le courage sublime avec lequel elles ont donné solennellement à toute la France le signal de la sainte insurrection qui a sauvé la patrie ? Tandis que les parisiens, unis avec les fédérés, terrassaient le despotisme ; tandis qu’ils envoyaient quarante mille défenseurs intrépides pour combattre les ennemis de l’Etat, de lâches libellistes soulevaient contre eux les français des autres départemens, remplissaient de ridicules terreurs & de fatales préventions les députés qui devaient composer la convention nationale, & jetaient par-tout le germe de la discorde & de tous les maux qui le suivent. Si la convention nationale n’a rien fait encore qui réponde ni à la hauteur de la révolution, ni à l’attente du peuple français, il n’en faut pas chercher la cause ailleurs, que dans la confiance avec laquelle un grand nombre de ses membres s’est abandonné aux guides infidèles qui les avaient trompés d’avance. Comment s’occuper du bonheur de la nation & de la liberté du monde, lorsqu’on n’est occupé qu’à faire le procès au patriotisme parisien ; lorsqu’au milieu du calme profond dont on est environné, on attend sans cesse les orages dont on a tant entendu parler, & ces terribles agitateurs dont une coalition intrigante nous entretient tous les jours ;lorsqu’on semble regretter de ne les rencontre nulle part ? Arrive-t-il dans le fond de quelque département un de ces mouvements inséparables de la révolution,, qui, dans tout autre moment, ne serait même pas aperçu ? Un ministre ne manque pas d’en faire à l’assemblée un récit épouvantable, & les intrigans de la république de pérorer contre les agitateurs de Paris. Un bateau de blé est-il arrêté par un peuple alarmé pour sa subsistance ? ce sont les agitateurs de paris. Des soldats sont-ils accusés d’insubordination justement ou injustement ? ce sont les agitateurs de paris. Cent mille français infortunés, sont-ils à la veille de manquer de pain, par la faillite des directeurs d’une banqueroute publique ? croyez-vous que les intrigans s’occuperont des moyens de les secourir ? Ils ne songeront qu’à déclamer contre la commune de paris, qui n’en est aucunement coupable. Une pétition qui, dans la bouche de tout autre, eût obtenu des éloges, est-elle présentée par des citoyens de paris ? le président la calomnie, par une réponse insidieuse & préparée ; & la faction la dénonce à la France entière. Des citoyens, des magistrats ont-ils mérité l’estime de la république, par la vigilance courageuse avec laquelle ils ont découvert & étouffé les conspirations de la cour, dont ils apportent les preuves authentiques ? Il n’est question que de leur faire le procès ; c’est le comité de surveillance de la commune de paris. Des ouvriers du camp, qui manquent notoirement de travail, viennent-ils spontanément & paisiblement présenter à l’assemblée une pétition légitime ? c’est une émeute, excitée par les députés de paris. Un membre apprend que quatre mille ouvriers sont en insurrection sur la place Vendôme, l’assemblée s’alarme. Il n’y a pas un seul ouvrier. Une autre fois, un autre membre vient annoncer que le peuple s’est révolté au Palais-royal. Le Palais-royal est calme & désert.
Que serait-ce donc, s’il arrivait, en effet, quelque mouvement partiel, qu’il serait impossible de prévoir ou d’empêcher ? C’est alors qu’il serait prouvé, aux yeux de tous les départemens, que rien n’est exagéré dans leportrait hideux qu’ils ont tracé des horreurs dont Paris est le théâtre, & que les représentans de la république doivent le fuir, en secouant la poussière de leurs pieds. Voilà l’événement que les intrigans de la république attendent avec impatience. Heureusement jusqu’ici les citoyens semblent avoir deviné leur intention. Ce peuple si féroce a lutté contre la misère ; il a imposé le silence à l’indigation que pouvaient exciter toutes ces lâches persécutions; & ce n’est pas le moindre prodige de la révolution, que ce calme profond qui règne dans une ville immense, malgré tous les moyens qu’ils emploient chaque jour, pour exciter eux-mêmes quelque mouvement favorable à leurs vues perfides. C’était encore l’un des principaux point de la politique de Lafayette, de provoquer lui-même quelques troubles, pour effrayer l’assemblée nationale & tous les gens paisibles, &pour les imputer ensuite aux patriotes. Or, ils savent encore imiter en cela ce conspirateur, leur ancien ami, & peut-être plus près de l’être encore qu’on ne le pense.
Mais la tranquillité publique les irrite ils n’en sont que plus ardens à calomnier les français de Paris ; & ce cri séditieux, par lequel l’un des leurs dans la tribune de l’assemblée nationale, osa formellement inviter tous les départemens à se liguer contre Paris, & tous les jours répété de mille manière différentes, dans toute l’étendue de la république.
Ah ! du moins les aristocrates, même les plus décriés de l’assemblée constituante, convenaient que l’on pouvait vivre paisiblement à Paris, même en insultant la révolution. J’ai vu l’abbé Mauri & ses pareils, après avoir blasphémé contre le peuple, s’étonner de la sécurité avec laquelle il traversait tous les jours une multitude immense de citoyens qui savaient les apprécier. Et lorsqu’il s’avisait, par hasard, de menacer le peuple assemblé, en lui montrant les pistolets dont il était muni, je l’ai vu rendre hautement justice aux citoyens de Paris, qui l’avaient soustrait facilement à la juste indignation qu’il venait de provoquer.
Les intrigans de la république n’ont pu parvenir encore à exciter ces marques de mépris public, dont ils paraissent assez jaloux. Le zèle inquiet du patriotisme ne forme même plus, dans les lieux voisins de la salle, ces groupes nombreux, tant calomniés par les ennemis de la révolution ; & ils n’ont pas le désagrément insigne de renconter des citoyens assemblés sur leur passage.N’importe, ils ne cessent d’entretenir la France entière des périls épouvantables auxquelles leurs personnes sacrées sont exposées. Combien l’abbé Mauri doit paraître aimable aux parisiens, auprès de tels républicains, qui occupent, chaque jour, la tribune nationale !
Lafayette & ses amis avaient bien imaginé de s’environner quelquefois d’un épais bataillon de gardes nationales parisiennes, sous le prétexte de garder les représentans de la nation. Mais ils ne s’avisèrent jamais de créer pour eux une mission militaire & des gardes du corps attachés au service des députés. Jamais ils ne songèrent à appeler à eux les départemens, pour les défendre contre Paris. Tous ces tyrans constitutionnels étaient des princes débonnaires, en comparaison des petits tyrans de la république. Sans doute, les personnes de ces derniers sont d’une bien autre importance que celle des législateurs précédens ; & ce serait manquer à l’espèce humaine toute entière, de confier ce dépôt sacré à une seule cité : il faut que tous les départemens français partagent l’honneur de leur conservation ; ils se trompent, il faut que ce soit toutes les nations du monde.
Encore s’ils n’étaient que ridicules ! Mais quellep rofonde perversité ! Quel mépris de la pudeur & des lois les plus saintes ! Voyez comme ils se jouent de la majesté des représentans de la nation française ! Comme ils leur présentent aujourd’hui brusquement, à sanctionner, leur honteux projet, comme ils lui interdisent ensuite la discussion au moment où ils s’aperçoivent que l’opinion publique en éclaire toute ka turpitude, ou que le seul instinct de la probité le rejette. Comptez, si vous le pouvez, tous les petits moyens qu’ils ont en vain tentés pour l’extorquer à la convention nationale. Mais ils savent bien se passer de son aveu ; & tandis qu’ils soumettaient cette question à ses lumières, ils la méprisaient assez pour appeler autour d’elle, à son insu & contre toutes les lois, des corps armés considérables. Ne les craignons pas ; ils osnt composés de citoyens ; mais hâtons-nous de les détromper. Jugez par certaines démarches, jugez par les discours de quelques individus, de l’astuce avec laquelle quelques intrigans cherchent à les égarer. A chaque instant,ils versent dans leurs coeurs tous les poisons de la haine & de la défiance ; que ne font-ils pas déjà, pour engager des rixes funestes & souffler le feu de la guerre civile ? Ah ! français, qui que vous soyez, embrassez-vous comme des frères ; & que cette sainte union soit le supplice de ceux qui cherchent à vous diviser.
Ils veulent qu’on les garde. Quel crime veulent-ils donc commettre ?
Ils veulent quitter Paris, ils ne dissimulent plus ce projet ; ils ont raison. C’est à eux de réaliser le voeu secret que formaient sans doute ces premiers ennemis de la révolution, que je crois quelquefois avoir outragés en les comparant à eux. Dans le fait, ce n’est point au milieu d’un peuple immense, éclairé, accoutumé à démêler le fil des intrigues, & dont ils sont déjà connus ; ce n’est point dans une cité qui est, pour ainsi dire, le rendez-vous de tous les français, ce n’est point sous les regards les plus perçans & les plus vastes de l’opinion publique qu’il faut rester, lorsqu’on a quelque trame ténébreuse à ourdir. Paris fut tour-à-tour l’écueil de l’aristocratie ancienne, du despotisme royal & de la tyrannie constitutionnelle ; il serait encore celui de toutes les tyrannies nouvelles. Qu’ils parten donc. Qu’ils cessent de fatiguer la nation par de vaines terreurs, par les misérables artifices qu’ils emploient chaque jour pour parvenir à ce but. Qu’ils partent. Où vont-ils ? Dans quelle contrée bien froide, bien inaccessible aux ardeurs du patriotisme ou à la lumière de la philosophie ; dans quelle ville bien ignorante, ou bien travaillée par leurs manoeuvres vont-ils exercer leur heureux talent pour démembrer l’Etat & pour conspirer contre la liberté du monde ?
Plus criminels dans leurs moyens que toutes les factions qui les ont précédés, auraient-ils des vues moins funestes ? mais quelle différence y a-t-il entre les faction , les autres se disputaient le fantôme du monarque pour exercer l’autorité sous son nom. Ceux-cu veulent règner sous un autre titre, & si, pour conserver la puissance, il leur fallait rétablir un roi, pourraient-ils hésiter ? A quoi sert en effet l’empire de la justice & de l’égalité ? Il n’est bon que pour le peuple, & quand lepeuple est ce qu’il doit être, les ambitieux, les hommes cupides & corrompus ne sont rien.
Aussi les voyez-vous former un parti mitoyen entre l’aristocratie rebelle & lepeuple ou les francs républicains. Observez s’ils ne caressent pas toujours les personnages les plus puissans de la république, & si ce n’est pas ceux-là qu’ils fréquentent, qu’ils favorisent à toute accasion. Observez si ce n’est pas à eux que se rallient les riches, les corps administratifs, les fonctionnaires publics, & les citoyens qui inclient aux idées aristocratiques, tous ceux même qui jadis suivaient le parti des intrigans auxquels ils ont succédé. Enfin, ils sont les honnêtes gens, les gens comme il faut de la république ; nous sommes les sans-culottes & la canaille.
Sont-ils moins puissans que leurs prédécesseurs ? Ils le sont beaucoup plus. ils nous accusent de marcher à la dictature, nous, qui n’avons ni armée, ni trésor, ni places, ni parti ; nous, qui sommes intraitables comme la vérité, inflexibles, uniformes, j’ai presque dit insupportables, comme les principes. Mais voyez en quelles mains sont passés tout le pouvoir & toutes les richesses. le trésor public, toute l’autorité du gouvernement, la disposition de toutes les places qu’il dispense leur a été dévolue ; voilà leur liste civile. Ils exercent la puissance royale sous un autre nom. Ils dominent au conseil exécutif ; ils dominent au sein de la convention : le bureau, le fauteuil, les comités, les tribunes même semblent être devenus leur patrimoine. Parler dans l’assemblée nationale est moins un droit des représentans du peuple, qu’un privilège réservé à leurs amis. Etre soupçonné de vouloir contredire leurs vues, équivaut à la privation du droit de sufrage. la loi, si on n’y prend garde, ne sera plus que leur volonté ; & pour lui donner le caractère d’un décret & l’autorité de la volonté générale, il leur suffira d’entretenir, dans l’assemblée des législateurs du peuple français, un tumulte scandaleux qui favorise toutes lesintrigues ; de prolonger, ou de précipiter avec art la fin des délibérations, & de déployer toutes les ressources que présentent au génie la science sublime de poser la question & sur-tout l’art de faire mourir subitement la discussion. Malheur aux patriotes sans appui qui oseront encore défendre la liberté ! ils seront écrasés comme de vils insectes. Malheur au peuple, s’il ose montrer quelqu’énergie ou quelque signe d’existence ! Ils avent le diviser pour l’égorger par ses propres mais ; & ils ont soif de son sang. Lorsqu’ils luttaient contre une autre faction & qu’ils cherchaient à transiger avec la cour, ils étaient forcés à caresser le peuple & à ménager jusqu’à un certain point les patriotes, pour intimider leur sadversaires ou pour les combattre ; & cette lutte même des ennemis de l’égalité laissait respirer les bons citoyens. Mais aujourd’hui qu’ils sont les maîtres, leur unique affaire est de se défaire des plus intrépides amis de la patrie & de les accabler du poids de leur toute puissance. Il est vrai que leur empire, comme celui de leurs devanciers, est fondé sur l’erreur, & doit être passager comme elle. J’ajouterai même qu’ils sont déjà connus à Paris. Mais ne vous rassurez pas trop vite. Voyez quelle barrière ils ont élevé entre paris & les autres parties de la république ; & ne perdez pas de vue que leur système est précisément de fuit, d’annuler Paris, pour éteindre ce grand fanal qui devait éclairer toute la France : de manière qu’ils semblent s’être ménagés le moyen d’échapper à l’opinion, en se réufiant dans la confusion qu’ils amènent & dans le chaos de la république bouleversée. Est-il tems encore d’éclairer les citoyens des 82 départemens & d’étouffer les dissentions funestes qu’ils cherchent à exciter ? En avez-vous les moyens ? Car, ne vous y trompez pas, ce qui semble garantir la durée de leur puissance, ce sont les facilités immenses qu’ils se sont ménagées dès long-tems pour propager l’erreur & pour intercepter la vérité. Toutes les trompettes de la renommée, tous les canaux de l’esprit public sont entre leurs mains ; & cette confédération de tant d’écrivains perides, soutenue par toutes les ressources de la puissance publique, est peut-être plus redoutable à la liberté que toutes les conspirations de la cour.
Quels moyens nous reste-t-il donc aujourd’hui pour déconcerter leurs funestes projets ? je n’en connais point d’autre, en ce moment, que l’union des amis de la liberté, la sagesse & la patience. Citoyens, ils veulent vous agiter pour vous affaiblir, pour vous déchirer par vos propres mains & vous rendre responsable ensuite de l’ouvrage même de leur perversité : rester calmes & immobiles. Observez, en silence, leurs coupables manoeuvres ; laissez-les se démasquer, & se perdre eux-mêmes par leurs propres excès. Un peuple magnanime & éclairé est toujours à tems de réclamer ses droits & de venger ses injures. Eclairez-vous, éclairez vos concitoyens autant qu’il est en votre pouvoir ; dissipez l’illusion sur laquelle se fonde l’enmpire de l’intrigue ; & il ne sera plus.
Passer la vérité en contrebande, à travers tous les obstacles que ses ennemis lui opposent ; multiplier, répandre par tous les moyens possibles les instructions qui peuvent la faire triompher ; balancez par le zèle & par l’activité du civisme, l’influence des trésors & des machinations prodiguées pour propager l’imposture, voilà, à mon avis, la plus utile occupation & le devoir le plus sacré du patriotisme épuré ; des armes contre les tyrans, des livres contre les intrigans ; la force pour repousser les brigands étrangers, la lumière pour reconnaître les filous domestiques, voilà le secret de triompher à la fois de tous vos ennemis.