Mes chers amis, Aujourd’hui je suis venu parler de la France. On ne parle pas assez de la France. Comme si c’était démodé de parler de la France. Comme si on avait fini par tellement s’y habituer à la France, que l’on n’y accordait plus d’importance.
Jeune, j’ai aimé la France sans le savoir. Beaucoup dans ma famille venaient de loin.
J’aimais le ciel sous lequel je vivais et pourtant ce n’était pas le ciel de Marseille.
J’aimais le son des mots.
J’aimais des chansons, des musiques, des livres.
J’aimais des villes, une façon tellement française d’aligner des maisons, de planter des arbres le long des routes.
J’aimais des bords de mer.
J’aimais une façon de rire, une façon d’être libre, j’aimais une façon française de goûter la vie.
J’aimais une façon d’aimer.
Au fond, j’aimais la France sans le savoir.
J’aimais la France, jeune, sans comprendre le prix qu’avait dû payer tant de générations pour nous léguer le pays qu’allait devenir notre patrie.
J’aimais la France comme j’aimais l’air qu’on respire
Mais je l’aimais au fond sans comprendre ce que la France avait d’unique, ce que la France devait à des milliers d’années de travail et d’amour et au sang versé par tant de femmes et tant d’hommes pour qu’en entendant le nom de France, il n’y ait pas une seule personne au monde qui ne pense à la liberté.
J’ai mis du temps pour mesurer à quel point si la France restait si vivante dans mon cÅ“ur, elle le devait aussi à tous ceux qui dans le monde entier continuent d’aimer la France et continuent d’espérer pour la France.
Je n’ai cessé en avançant dans la vie de ressentir à quel point cette idée de France, qui me semblait si éloignée de mon existence quotidienne lorsque j’étais jeune, y était en réalité présente à chaque instant, combien la France était humaine, combien la France était charnelle et combien, finalement, la France avait contribué à me façonner depuis l’enfance.
Je me souviens qu’au début j’ai fait de la politique parce que je voulais agir, je voulais résoudre des problèmes, je voulais aider les gens à surmonter leurs difficultés, je voulais me battre pour des idées.
En me tournant sur toutes ces années j’ai compris que le combat, le combat essentiel, c’est celui que l’on mène pour le pays qui vous a vu naître ou le pays que l’on reconnaît comme sien. Il n’y a pas un seul combat qui soit supérieur à celui qu’on mène pour son pays.
Confronté tous les jours aux difficultés quotidiennes des Français, je me suis forgé la conviction qu’en tirant tous les fils de la politique, on remontait toujours à la France, que la France au bout du compte devait être le grand sujet de la politique et que l’on ne pouvait pas séparer la vie des Français du destin de la France, que l’on ne pouvait pas résoudre les problèmes des Français sans résoudre ceux de la France, que la France était au final le seul rempart grâce auquel on pouvait protéger les Français.
Telle est la conviction, mes chers amis, que je veux faire partager tout au long de cette campagne que nous allons vivre ensemble.
Les cinq années écoulées depuis que les Français m’ont élu à la Présidence de la République n’ont fait que renforcer cette conviction.
Une France faible ne peut pas protéger les Français. Les plus anciens, ici, le savent bien, dans les périodes les plus noires de notre Histoire, celles qui ont été les plus douloureuses pour les Français, le malheur est toujours venu de ce que la France n’avait pas été assez forte.
Quand la lâcheté, quand la démission, quand la faiblesse de gouvernements de passage ont été à l’Å“uvre, ce sont les Français qui ont eu à en assumer les conséquences.
Il n’y a pas de Français heureux sur les malheurs de la France. Il n’y a pas de Français protégés sur la faiblesse de la France.
Depuis 2008, dans la tempête économique et financière, sans doute la plus grave et la plus dangereuse que le monde ait connu depuis les années 30, la France a résisté, la France a tenu. Et les Français ont fait face.
Je sais mieux que personne toutes les souffrances et toutes les difficultés que cette crise a crées parce qu’en France, je l’ai appris, toutes les souffrances et toutes les difficultés des Français remontent toujours au Président de la République, parce que chacun se tourne vers lui pour exprimer ses souffrances, pour demander de l’aide, parce que chacun le regarde comme le dernier recours lorsqu’on a épuisé tous les autres.
Je mesure ce qu’il aurait fallu faire de plus, ce qu’il aurait fallu faire de mieux. J’ai un devoir de lucidité. Et je ne prétends pas et je ne prétendrai jamais que nous avons tout réussi.
Mais je veux dire, pour que chacun le comprenne, que nous avons échappé à une catastrophe. Je veux le dire calmement mais aussi fermement : ceux qui font comme si rien de grave ne s’était passé depuis 3 ans dans le monde, ceux qui font comme si les risques auxquels la France s’était trouvé confrontée n’avaient pas été dramatiques, ceux-là mentent aux Français, ceux-là ne rendent pas service à la France.
Dans deux mois cela sera pour chacun de vous le moment du choix.
Les circonstances font que le choix des Français sera décisif. Je veux que chacun de nos compatriotes puisse pouvoir décider en mesurant les enjeux. Si aujourd’hui on ne comprend pas la nature de la crise et les risques qu’elle nous fait courir, alors non seulement on ne peut pas juger le passé mais par-dessus tout, on ne peut pas imaginer l’avenir, on ne peut pas préparer l’avenir.
Occulter la crise ce n’est pas seulement malhonnête, c’est dangereux, parce que l’on ne se défend pas contre des périls dont on nie l’existence, parce que l’on ne protège pas contre des menaces que l’on fait semblant d’ignorer.
Dire aux Français : « dormez tranquilles, il n’y a pas de crise, il n’y a pas de risque », c’est jouer avec l’avenir des Français, c’est les laisser sans défense quand la crise et quand les risques les auront rattrapés. C’est irresponsable et c’est moralement inacceptable.
Mon message aux Français, à tous les Français, quelles que soient leurs convictions, c’est de leur dire : souvenez-vous, à l’automne 2008 toutes les banques du monde ont failli disparaître. Souvenez-vous, c’était hier. Si les banques françaises avaient été entrainées dans un tel cataclysme, c’est votre épargne, le fruit de votre travail, vos économies, vos salaires, vos emplois qui auraient été emportés.
Nous avons réussi à éviter cette catastrophe.
Puis il y a eu la crise économique, la récession, qui a touché tous les pays dans le monde sans aucune exception. Il a fallu que l’État intervienne pour financer l’économie, pour soutenir l’activité, pour éviter une nouvelle fois que tout s’effondre.
Nous avons réussi, une nouvelle fois, à éviter la catastrophe.
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, après cela il y a eu la crise des dettes publiques, la crise de l’Europe, la crise de l’Euro. Il a fallu que la France s’implique à chaque minute pour empêcher l’éclatement de l’Euro qui aurait emporté toute l’Europe et qui aurait coûté si cher aux Français et en particulier aux plus vulnérables.
Nous avons réussi une nouvelle fois à éviter la catastrophe.
Je dis nous, parce que je tiens à associer François Fillon et l’ensemble du Gouvernement au travail qui a été engagé.
Mes chers compatriotes, mes chers amis, et au-delà de vous, à tous les Français, si un seul Français, si un seul doute de ce que je viens de dire et qu’il veut savoir à quoi nous avons échappé, ce qui aurait pu arriver à chacun si la France n’avait pas été forte, je demande à ce Français qui doute, à ces Français qui doutent, de regarder à ce qui arrive aujourd’hui à l’ouvrier grec, de penser à ce qui arrive aujourd’hui au retraité italien, d’imaginer ce que peut ressentir le chômeur espagnol qui a si peu de chances de retrouver un emploi parce que le chômage y est trois fois plus élevé qu’en France.
Je demande à ces Français d’imaginer le fonctionnaire portugais avec son traitement diminué de 25%.
Je lui demande de regarder ces milliers de familles américaines condamnées à vivre dans des mobil homes parce qu’au chômage ils ne peuvent plus payer les traites de leur maison.
En France, c’est vrai, l’endettement a augmenté, les fins de mois de nombre de nos compatriotes sont difficiles.
C’est vrai, il y a plus de chômeurs.
C’est vrai, c’est difficile de se loger.
C’est vrai, on ne pourra plus partir à la retraite à 60 ans.
C’est vrai, il va falloir travailler plus longtemps.
C’est vrai, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’est pas remplacé mais ces décisions, je les assume parce qu’elles étaient difficiles Mais si ces décisions je ne les avais pas prises à temps, où en serions-nous aujourd’hui ? Voilà la question qu’il convient de poser.
La vérité ne me fait pas peur.
La vérité ne doit pas faire peur à la France.
La vérité, c’est que la France n’a pas été emportée par une crise de confiance qui a ravagé tant d’autres pays dans le monde.
La vérité c’est que l’État n’a pas fait faillite.
La vérité c’est que les salaires et les pensions de retraite n’ont pas été baissés.
La vérité c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs.
La vérité c’est que des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux.
La vérité, c’est que dans notre beau pays il n’y a pas eu ce désespoir, cette violence qui a embrasé tant d’autres pays si proches de notre cÅ“ur et de nos frontières.
Il faut regarder en face la réalité du monde, la réalité de la crise pour comprendre que travailler davantage c’est la seule façon de préserver notre niveau de vie, notre pouvoir d’achat et de sortir par le haut de cette crise qui tire tant de pays vers le bas.
Travailler davantage c’est la seule façon de ne pas laisser à nos enfants un pays qui croulerait sous les dettes et les déficits où les mèneraient des gens incapables de dire non à la plus petite revendication.
Notre génération n’a pas le droit de laisser à nos enfants le soin de régler les factures que nous n’aurions pas eu le courage d’assumer.
Si on refuse la réalité, on ne peut pas comprendre les efforts qu’il nous faut faire. Et si on ne les comprend pas, on ne les fera pas. Et si on ne les fait pas alors ce sont tous les Français qui souffriront.
Je ne veux pas de cette souffrance ! Car elle serait la conséquence de la facilité, de la démagogie et du mensonge.
Si la France a mieux résisté que d’autres, c’est qu’elle a puisé sa force dans ce qu’elle avait de meilleur, dans ce qui lui a toujours permis de surmonter les pires épreuves, de demeurer un grand pays.
Je veux parler du travail, je veux parler de l’effort, je veux parler du courage, je veux parler de l’intelligence, je veux parler des valeurs de responsabilité et d’autorité.
Je veux parler du sentiment très fort de former une seule et même Nation.
Je veux parler de l’idéal de la République, de la chance qu’elle veut donner à tous les talents, à tous les mérites, de la valeur qu’elle reconnait au travail.
Je veux parler de cette grande chose en France qui s’appelle l’État et dont on voit bien dans la crise combien l’absence ou la faiblesse auraient été dangereuses.
Pendant cinq ans la France s’est appuyée sur ces valeurs, sur ces institutions pour rester forte.
Ce fut une tâche très difficile parce qu’il a fallu rompre avec des habitudes, mes chers amis, avec des habitudes ancrées depuis des décennies. Et la première des habitudes avec lesquelles il a fallu rompre, c’est l’habitude détestable de toujours céder, de toujours reculer face à la moindre pression, face à la moindre protestation.
Jamais autant de réformes n’ont été accomplies, mais tant de retard avait été pris et la crise a ouvert tant de fronts, la crise a demandé tant d’énergie.
Les effets bénéfiques de tant de réformes que la France attendait ont été masqués par les dégâts de la crise. Mais grâce à ces réformes, la France a renoué avec ses valeurs et la France sortira plus forte de la crise.
Si les Français ont souffert de la crise, réfléchissons aussi, c’est à proportion des erreurs qui avaient été commises et qui ont affaibli la France.
Pendant trop longtemps les valeurs d’où vient la force de la France ont été abandonnées par ceux-là même qui avaient la responsabilité de les défendre.
L’idéologie du partage du travail, la mise en cause systématique de toute forme d’autorité, la dilution des responsabilités ont affaibli la France et ont rendu les Français plus vulnérables.
A force de ne plus regarder la France comme un tout, comme une destinée commune dont chacun est solidaire, mais comme une simple juxtaposition de communautés et de clientèles, à force de donner à chacun ce qu’il réclame sans tenir compte de ce que ça coûte à tous, à force que chacun n’ait plus que des droits et que l’on ne se soucie plus de lui faire respecter des devoirs, on a fragilisé la société et pris le risque qu’elle vole en éclat dans l’épreuve au moment où elle avait besoin de la plus grande des cohésions.
Quand on oublie la France, mes chers amis, on tolère l’absentéisme scolaire, on s’offusque de la suspension des allocations familiales et on oublie qu’un enfant qui ne va pas à l’école, c’est une richesse immense que la France gaspille et que toute sa vie, cet enfant sera à la charge de tous.
Quand on oublie la France, on oublie que ceux qui ne travaillent pas sont toujours à la charge de ceux qui travaillent. Et si ceux qui travaillent sont de moins en moins nombreux, la charge finira par devenir insupportable.
Quand on oublie la France, on oublie que c’est le travail des uns qui donne du travail aux autres et qu’en partageant le travail au lieu de l’encourager, on s’appauvrit collectivement au lieu de s’enrichir.
Quand on oublie la France, on oublie que ce sont les travailleurs qui payent les retraites et que s’il y a toujours moins de travailleurs et toujours plus de retraités, il arrivera fatalement un jour où les retraites ne seront plus payées.
Quand on oublie la France, on oublie qu’un territoire abandonné c’est d’abord une ressource dont le pays se prive.
Quand on oublie la France, on oublie que dans une Nation tout se tient, que la prospérité de chacun dépend de la prospérité de tous, que le bonheur de chacun dépend aussi du bonheur de tous. La prospérité au milieu de la misère, le bonheur au milieu du malheur, cela ne peut pas durer, cela ne dure jamais bien longtemps.
Quand on oublie la France, on oublie que l’on ne peut pas faire un pays qu’avec des cadres, des savants, des ingénieurs. On oublie qu’une France sans agriculteurs, sans ouvriers, sans artisans, sans usines, sans ateliers, sans fermes, serait une France qui aurait perdu une partie de son âme, de sa culture et de son identité et par dessus tout que ce serait une France économiquement à la merci des autres.
Quand on oublie la France, on oublie que l’État c’est tous les Français, que la dette de l’État et la dette des Français, c’est une seule et même dette, on oublie que l’on ne peut pas bâtir une société et une économie prospères sur la ruine de l’État, ni la prospérité de l’État sur la ruine de la société et de l’économie.
Au fond, mes chers amis, la France, c’est le nom que nous donnons à la solidarité entre les Français d’aujourd’hui et à la solidarité entre les générations. C’est cela la France.
La France, c’est ce qui nous appelle sans cesse à ne jamais sacrifier l’avenir au présent.
La France, c’est le nom par lequel nous disons le mieux notre amour à nos enfants et à nos petits-enfants.
La France, c’est le mot qui nous fait nous souvenir avec respect et avec tendresse de ceux qui nous ont aimés assez pour nous laisser ce pays magnifique.
Les ouvriers qui m’ont dit, la semaine dernière, à la centrale nucléaire de Fessenheim : « Monsieur le Président, ils nous ont vendus » savent bien que l’on ne croit pas en son pays quand on est prêt à arrêter des dizaines de réacteurs nucléaires en contrepartie d’un accord électoral qui se fait sur le dos de milliers d’ouvriers de la filière nucléaire française.
Je me demande quel prix on attache au travail. Est-ce qu’on est capable de dire en face à face, en regardant dans les yeux un ouvrier dont on vole le travail parce que l’on a voulu glaner quelques voix sur le tapis vert des négociations politiciennes et partisanes ?
Je préfère être à ma place, je préfère tenir le discours de vérité que d’être à la place de ceux qui font cela parce que moi, je ne pourrai pas paraître devant ces ouvriers à qui l’on dit : votre emploi nous le volons pour gagner la place que nous voulons.
Aimer la France, c’est refuser d’accepter les 35 heures qui mettent tant d’entreprises françaises hors d’état d’affronter la concurrence des entreprises étrangères.
Aimer la France, c’est refuser de promettre la retraite à 60 ans en sachant que dans moins de 10 ans on ne pourra plus payer les retraites.
Aimer la France, c’est refuser d’augmenter les dépenses et d’augmenter les impôts en pleine crise mondiale de la dette.
Aimer la France, c’est refuser d’aborder l’immigration par la seule posture idéologique. C’est un sujet qu’il faut évoquer avec gravité parce qu’une immigration non maitrisée est la cause de beaucoup de souffrances. Et les premiers à en souffrir sont ceux que l’on n’est pas capable d’accueillir dignement et ceux-là sont souvent ceux qui se sont fait dépouiller de leurs maigres économies par des passeurs sans scrupules qui n’ont pas hésité à mettre leur vie en danger et qui ne sont qu’une bande de criminels qui ne méritent que le châtiment le plus extrême.
On n’exploite pas la misère des autres.
Il y aurait d’autres conséquences très lourdes si l’on ne maitrise pas l’immigration alors que le chômage reste si élevé : notre protection sociale ira droit à la faillite, notre pacte social explosera car nous n’aurons pas les moyens de le financer et alors ce seront toujours les plus faibles, les plus vulnérables, ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale qui en souffriront le plus.
Je n’ai jamais été, et je n’ai pas changé et je ne changerai pas, pour l’immigration zéro qui pour un pays comme la France n’a tout simplement pas de sens. Mais refuser tout contrôle, récuser l’immigration choisie laissant ainsi la porte ouverte à l’immigration subie, c’est irresponsable et c’est moralement condamnable.
Mes chers amis, rien n’est plus dangereux que la bonne conscience qui ne veut pas regarder en face les conséquences de ce qu’elle réclame. Seuls comptent pour la bonne conscience son image et son miroir. Régulariser massivement, ouvrir les vannes, ce n’est ni plus ni moins qu’une faute.
Quand on aime la France, on ne réduit pas la nationalité française à une adresse et on ne prend pas le risque du vote communautaire qui ferait peser sur les élus locaux une pression communautariste immense et voler en éclat notre pacte républicain.
Quand on aime la France, on veut que la France soit maitresse de son destin et maîtresse chez elle. C’est cela aimer la France.
Quand on aime la France, on ne propose pas de ratifier la charte des langues régionales qui n’a pas pour but de faire vivre les langues régionales dans lesquelles je crois, mais de reconnaitre des droits linguistiques à toutes les minorités et de les placer sous le contrôle d’une Cour européenne qui jugera sans tenir compte de notre histoire nationale et de notre tradition républicaine.
C’est le communautarisme qui est au bout du chemin et pas la défense d’un magnifique patrimoine de langues et de cultures qui font la richesse de notre pays.
Je veux défendre ce patrimoine. Je veux m’opposer à toute dérive communautariste parce que cette dérive ruinerait des siècles d’efforts et de sacrifices pour nous construire un État, une Nation, une République dont nous pouvons être fiers et dont nous tirons notre force.
Je me souviens de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, refusaient l’interdiction de la burqa parce que leurs convictions n’étaient pas assez fortes.
Je me souviens de ceux qui voulaient séparer les hommes et les femmes dans les piscines municipales parce qu’ils étaient prêts à tous les compromis avec les valeurs républicaines. Pas de compromis avec les valeurs républicaines !
Je vois ce qui se passe encore dans certaines cantines scolaires.
Je vois tous les jours la laïcité attaquée par ceux-là mêmes qui prétendent la défendre contre des menaces imaginaires alors que leurs attaques à eux sont bien réelles.
Quand on aime la France, on défend ces valeurs qui sont à l’opposé du communautarisme.
Quand on aime la France, on ne dresse pas les minorités contre la République.
Quand on aime la France, on n’est pas du côté de ceux qui pour défendre leurs intérêts bloquent le pays et prennent les Français en otage dans des conflits qui ne concernent que des minorités protégées par des statuts dont elles ont fini par penser qu’ils leur donnaient tous les droits.
Quand on aime la France, on est pour la continuité du service public parce que la continuité du service public c’est le devoir des agents du service public.
Quand on aime la France, on n’est prisonnier d’aucun groupe de pression, d’aucun syndicat, d’aucune clientèle, d’aucune minorité. On ne se pose qu’une seule question, la question de l’intérêt général.
Aimer la France, c’est tenir la parole de la France. La parole de la France, on la respecte et on l’honore.
Quand on aime la France, on ne ment pas tous les jours aux uns pour faire plaisir aux autres. On tient le même discours à tout le monde parce que tenir le même discours à tout le monde, c’est la seule façon de respecter les Français.
Quand on aime la France, on dit la vérité aux Français sur ce que l’on veut faire, sinon on jette un discrédit sur une parole publique qui n’a pas besoin d’être discréditée.
Il faut avoir le courage de dire aux élites qu’une partie d’entre elles n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en s’octroyant des rémunérations qui défiaient le sens commun. Cette minorité a trahi les valeurs qu’elle devait défendre et incarner.
Mes chers amis, il faut avoir le courage de dire à la jeunesse qu’elle ne réussira pas sans effort. Il faut avoir le courage dire aux ouvriers qu’ils ne pourront pas gagner plus en travaillant moins.
Il faut avoir le courage dire aux retraités que l’on ne pouvait pas continuer à payer les pensions à crédit.
Il faut avoir ce courage. Ce courage d’aimer la France, ce courage de respecter les Français. Ce courage de la vérité.
Cette campagne doit être une campagne de vérité.
Cette vérité, les Français la méritent et la France en a besoin.
Où est la vérité quand on explique en même temps que l’on veut punir les voyous et abroger la loi sur la récidive et abroger les peines planchers ?
Où est la vérité quand on ne dit pas la même chose selon l’interlocuteur auquel on s’adresse, où est la vérité quand on dit tout et son contraire ?
Où est la vérité lorsqu’on est d’un côté de la Manche ou de l’autre, quand on fait semblant d’être Thatcher à Londres et Mitterrand à Paris ?
On veut bien choisir, mails il faut tomber le bon jour, choisir le bon discours. A peine a-t-on compris la moindre proposition qu’elle est déjà retirée. Ce n’est pas comme cela que l’on dirige un pays qui est la cinquième puissance au monde !
Où est la vérité – à moins que nous n’ayons pas bien compris – quand on dit chaque jour le contraire de la veille ? Mieux vaut économiser les réunions et les meetings, cela va devenir compliqué !
Un jour on avance que tous les clandestins vont être régularisés.
Mais un autre jour, non, ce sera au cas par cas.
Un jour on annonce, solennellement, le retour à la retraite à 60 ans.
Mais le lendemain on dit qu’il fallait comprendre autre chose. On ne sait toujours pas quoi. On se demande même s’il y a quelque chose d’autre à comprendre !
Un jour on annonce la fin du quotient familial.
Mais le lendemain on se dépêche de dire que non mais que l’on va quand même tout changer. Changer quoi ? Quand ? Comment ?
Un jour on annonce la légalisation de l’euthanasie.
Un autre jour on déclare que l’on a mal compris.
Mais la fin de la vie, mes chers amis, est un sujet trop douloureux. C’est un sujet dont je suis certain qu’il ne doit pas être instrumentalisé. Parce que l’euthanasie c’est une question qui engage tant de choses profondes et intimes. C’est un dilemme profondément humain que la loi sans doute, comme elle le fait déjà, peut encadrer mais qu’à mes yeux elle ne doit pas trancher.
Quand on aime la France, on ne fragilise pas les institutions qui forment la trame de notre vie sociale.
La famille, le mariage font partie de ces institutions qu’il ne faut aborder qu’avec infiniment de précaution. Quels que soient les bouleversements que la famille, que le mariage ont connus depuis des décennies, la famille, le mariage restent des repères, restent des références profondément ancrés dans la conscience collective et qui font partie de notre identité.
Nous ne voulons pas que l’on sacrifie notre identité à la mode du moment !
Au fond, je voudrai que chacun aborde des sujets aussi profonds que la fin de vie, que le mariage, que la filiation, que la famille, de façon apaisée, en respectant les souffrances des uns – car il y a beaucoup de souffrances – les angoisses des autres, les convictions intimes de chacun, qu’elles soient philosophiques, morales ou religieuses.
Faire partie d’une même Nation, être Français, c’est accepter que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare et qu’il y a entre chacun d’entre nous un lien, un lien fraternel, un lien de solidarité, de compréhension, de respect que nous ne devons pas abîmer en nous insultant, en nous déchirant ou en assumant la promotion d’idées irréfléchies et irraisonnées, encore une fois, pour aller glaner ici ou là quelques voix.
C’est l’esprit dans lequel j’aborde cette campagne.
C’est l’esprit avec lequel je veux aller à la rencontre des Français.
Dans une campagne, il y a des convictions qui s’affrontent, il y a des opinions qui se combattent, il y a même des personnalités qui s’opposent.
Mais il n’y a aucune raison de se laisser aller à des attaques basses qui ne feraient qu’exprimer un manque de considération pour les Français qui méritent un débat d’une certaine tenue.
Une campagne présidentielle c’est, pour un homme ou une femme, une rude épreuve, une épreuve de vérité et une épreuve de sincérité. Il ne faut pourtant pas vivre douloureusement cette épreuve parce qu’une campagne est un moment privilégié : on va à la rencontre des Français, on les écoute, on leur parle.
Je vais à cette rencontre, sans protocole, sans intermédiaire, j’y vais plus libre que jamais je ne l’ai été.
Je vais à cette rencontre sans détours, tel que je suis, sans artifices de communication, heureux de parler de notre pays et de dire les leçons que je tire de mon expérience pour l’avenir de la France.
J’y vais avec lucidité mais j’y vais avec une force de conviction qui est à proportion de l’amour que j’ai toujours éprouvé pour notre pays.
Je vais à cette rencontre en ayant en moi tout ce que j’ai appris, des souffrances qui se sont exprimées devant moi, Chef de l’Etat, souffrances auxquelles je ne pouvais pas répondre.
Celle de la victime dont on n’a pas retrouvé le coupable.
Celle de la femme ou de la mère qui pleure devant le cercueil d’un soldat mort pour la France.
Celle de ce chômeur dont l’usine vient d’être délocalisée et qui ne sait pas, alors qu’il n’y ait pour rien dans son licenciement, comment il va faire vivre sa famille.
Je vais à cette rencontre en sachant que la volonté ne peut pas tout mais sans volonté, mes chers amis, on ne peut rien.
Certains considèrent qu’il vaut mieux ne rien tenter que de prendre le risque d’échouer – comment ils disent ?- au risque de donner de faux espoirs.
Mais, mes chers amis, si l’on ne veut rien, si l’on ne tente rien, si l’on ne prend jamais le risque d’échouer, alors on peut être certain qu’il n’y a plus rien à espérer du tout. Quand on risque d’échouer, on risque aussi de réussir. Alors je préfèrerai toujours prendre le risque d’échouer que de renoncer à la possibilité, même la plus mince, de réussir. S’il y a une chance, une seule chance, d’empêcher qu’une vie s’abîme, s’il y a une chance de sauver un emploi, s’il y a une chance, rien qu’une chance, d’éviter une souffrance, je ne me résignerai jamais à ne pas la tenter.
Je suis fait ainsi et je n’ai pas l’intention de changer.
Rester les bras croisés devant un problème simplement parce qu’il est difficile –je vous garantis depuis cinq ans j’en aurai des crampes si j’avais fait cela! – lever les bras au ciel en s’écriant que contre le chômage on a tout essayé ou que l’État ne peut pas tout et que par conséquent on ne fait rien, c’est une conception de la politique qui ne sera jamais la mienne. Je préfère arrêter que devenir comme cela.
Nous n’avons pas toujours réussi ce que nous avons entrepris, mais chez Lejaby, chez Photowatt, chez Alsthom, il y a des ouvriers qui sont soulagés parce qu’ils n’ont pas été abandonnés. Il y a des milliers de travailleurs qui ont sauvé leurs emplois qui étaient condamnés d’avance grâce au Fonds Stratégique d’Investissement, au Médiateur du crédit auquel personne ne croyait. Qu’on aille leur demande aujourd’hui s’ils auraient préféré que l’on ne tentât rien.
Tout tenter même quand il semble que les chances sont faibles. Voilà ma conception de la responsabilité en politique.
La responsabilité c’est une valeur dont je veux parler aux Français parce qu’on l’a trop souvent négligée.
La responsabilité c’est le contraire de l’impunité.
Chacun doit être responsable de ses actes.
Chacun doit assumer les conséquences de ce qu’il fait, de ses erreurs, de ses fautes, de ses manquements, comme de ses réussites.
L’impunité pour le fraudeur, pour le voyou, ce n’est pas acceptable. Mais l’impunité en haut de l’échelle ne l’est pas davantage.
Quand un préfet ne fait pas son travail, je l’assume, on change de préfet.
Quand un juge commet une faute, je l’assume, il doit être sanctionné car il n’y a aucune indépendance qui exonère de toute responsabilité.
Je veux aller à la rencontre des Français pour leur parler de l’autorité, cette valeur que l’on a tant dénigrée dans le passé et dont on se rend compte à quel point maintenant elle manque.
Je veux parler de l’autorité du maître à l’école, pas du copain à l’école mais du maître à l’école, de l’autorité du professeur, de l’autorité du policier, de l’autorité de l’État, de l’autorité de la loi.
Je veux parler de l’autorité que confère le savoir et que confère la morale.
Je veux dire qu’un monde sans autorité est un monde sans liberté, parce que l’autorité et la liberté c’est complémentaire, c’est l’ordre et le mouvement, c’est la transmission et la transgression dans la même direction.
Je ne veux pas aller à la rencontre des Français pour parler à la droite, pour parler à la gauche, pour parler au centre. Pour moi, la France, c’est tous les Français. La France ce ne sont pas des camps, ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des factions qui ne cessent jamais de se combattre avec la certitude d’être le bien contre le mal.
Je ne pense pas qu’il suffise d’être dans le camp du mal parce qu’on n’ait pas immédiatement convaincu par mes idées, par mon action, par mon discours.
Au-dessus des partis, il y a la France et il faut aimer la France davantage que son propre parti.
Je veux dire aux Français qu’il ne faut pas toujours se demander si une idée est de droite ou de gauche, mais si cette idée est la bonne pour le pays.
Pendant cinq ans j’ai pu mesurer la puissance des corps intermédiaires qui s’interposent parfois entre le peuple et le sommet de l’État, ces corps intermédiaires qui prétendent souvent parler au nom des Français et qui en vérité, souvent, confisquent la parole des Français.
Que ce soit pour l’autonomie des universités, le service minimum, la réforme des ports ou les retraites, j’ai pu mesurer bien souvent la difficulté de réformer quand les Français n’ont pas leur mot à dire. Ce ne sont pas les Français qui sont rétifs aux réformes mais les corps intermédiaires qui n’aiment rien tant que l’Immobilisme.
Je veux rendre la parole aux Français. Les défis sont trop grands et les changements trop importants pour que les Français n’y soient pas associés directement.
J’ai bien entendu les cris de ceux qui pensent que se tourner vers le peuple c’est du populisme. Au fond d’eux-mêmes ils trouvent sans doute que le peuple n’est pas assez raisonnable, que le peuple n’est pas assez intelligent et que mieux vaut ne pas demander son avis au peuple.
Je sais très bien que tous ceux qui pensent cela ne voudront rien lâcher de leur pouvoir. Ils résisteront. Ils ont fait la même chose au général de Gaulle en 1962 lorsque le général de Gaulle a dit que seul le peuple de France pouvait choisir le président de la République française.
A l’époque on disait du général de Gaulle qu’il était un dictateur et de sa volonté qu’elle était une forfaiture. Si j’en juge, les candidats de 2012 doivent être en désaccord avec socialistes de 1962.
Ce qui était une forfaiture à l’époque ne semble gêner personne aujourd’hui.
Je veux être le candidat du peuple de France.
Je ne serai pas le candidat d’une petite élite contre le peuple.
Le référendum c’est l’esprit de la Vème République.
Et la Vème République nous lui devons beaucoup.
Avec la réforme de la Constitution j’ai voulu trouver une voie raisonnable qui ne modifie pas les grands équilibres de nos institutions, une voie qui redonne des droits au Parlement. Ce ne fut pas toujours facile. Et même une réforme qui a donné des droits à l’opposition. Je l’ai fait parce que je pensais que c’était souhaitable pour notre démocratie. La majorité ne s’affaiblit pas lorsqu’elle reconnait des droits supplémentaires à l’opposition. Quand on est fort et sûr de ses convictions, on tend la main, on ne ferme pas le poing.
A mes amis qui souvent m’ont dit : « on a confié la présidence de la Commission des Finances à l’opposition, regarde ce qu’ils en font », je leur ai dit : « oui, bien sûr, mais nous ne serons jamais comme eux ».
Parce qu’on ne combat pas le sectarisme en étant sectaire soi-même.
Parce qu’on ne combat pas l’intolérance en étant intolérant soi-même.
Parce qu’on ne combat pas l’excès en étant excessif soi-même. Nous ne leur ressemblons pas.
Nous n’avons pas les mêmes méthodes. Nous n’avons pas d’ennemis dans le peuple français.
Et je souhaite, mes chers amis – quitte à vous sembler naïf ou idéaliste, j’ai des convictions tellement fortes – pour notre France, pays si éruptif, parfois si violent, je souhaite que nous continuions à aller dans le même sens. Celui du renforcement de notre démocratie.
Bien sûr il y a des débats et nous conduirons ces débats, mais je veux évoquer la question d’un mode de scrutin qui tient à l’écart du Parlement de grands courants de notre vie politique et qui, au fond, pousse en définitive aux manÅ“uvres d’appareils dont je parlais il y a un instant.
Ce qui s’est passé avec le nucléaire, c’est tout simple : un courant politique, pour avoir des sièges, négocie avec un autre courant politique sur le tapis vert. Parce que ce courant politique devient prisonnier de la formation la plus grande au seul prétexte que ce courant politique, seul, ne pourrait avoir un seul siège.
Je le dis d’emblée : je suis convaincu qu’un mode de scrutin doit d’abord avoir pour objectif de dégager une majorité capable de gouverner. Je ne cèderai jamais sur ce sujet. Je suis attaché au scrutin uninominal à deux tours qui a cette vertu.
Ce scrutin doit rester la règle. Mais réfléchissons ensemble : est-ce que lorsque, il y a 30 ans, on a fait rentrer une partie de l’opposition dans les conseils municipaux, on a affaibli ou on a renforcé les conseils ? Je pense qu’on a renforcé la démocratie locale.
Il me semble donc qu’on pourrait corriger à la marge ce mode de scrutin pour que tous les grands courants politiques puissent avoir des représentants.
La République est plus forte quand chacun s’exprime à l’intérieur de la République plutôt que quand on est obligé de s’exprimer à l’extérieur de la politique.
Et qu’on ne vienne pas me dire que cela favorisera plutôt ceux qui n’ont pas nos idées que les nôtres. Je crois que la grandeur qu’est la nôtre c’est d’être des démocrates et des républicains, d’être des hommes et des femmes qui ignorent toute forme de sectarisme.
J’ajoute qu’il faudra engager sans tarder avec toutes les formations politiques, un dialogue consensuel et républicain pour arriver à réduire le nombre de nos parlementaires. La classe politique, dans toutes ses composantes, montrera ainsi l’exemple de la raison.
Mes chers amis, je vous l’avais dit, je me sens un homme libre. Je veux parler aux Français, à tous les Français.
En faisant cela on va renforcer la force de la République. En faisant cela, les Français qui nous regarderont diront : voici des hommes et des femmes qui sont capables de se hisser au-dessus de leurs intérêts partisans parce qu’ils ne pensent qu’à une seule chose, l’intérêt général et l’intérêt de la France. Voilà la campagne que je souhaite mener en votre nom.
Je vais terminer, mais j’aurais pu vous parler de tant d’autres choses. Devant Alain Juppé j’aurais pu dire combien j’ai été bouleversé en Libye quand j’ai vu le nom de la France acclamé par cette jeunesse arabe qui ne criait pas « mort aux juifs », « mort aux Américains », « mort à Israël » mais qui disait « démocratie, croissance, formation et emploi ».
J’ai été bouleversé en Côte d’Ivoire quand j’ai vu que grâce à la France, enfin, on permettait aux Ivoiriens d’élire démocratiquement un président. Ils en ont le droit.
Et combien j’ai été emporté à Tbilissi, en Géorgie, de voir à quel point les drapeaux français étaient synonymes de liberté.
J’aurai pu vous parler de la Méditerranée, mais je voudrai vous dire mes chers amis, vous dire simplement que la France a besoin de vous.
Ce pays c’est le nôtre.
Ce pays nous l’aimons.
Ce pays c’est nous tous.
Je vous demande une chose ce soir, ici, à Marseille,
Aidez-moi.
Aidez-moi à réussir pour la France,
Aidez-moi à rassembler le peuple de France.
Vous êtes le peuple de France !
Vive la République !
Vive la France !