Coupé a voulu empoisonner mon opinion. Certes, jamais je n’ai prétendu proposer de rompre le nerf révolutionnaire, puisque j’ai dit que la Constitution devait dormir pendant que le peuple était occupé à frapper ses ennemis. Les principes que j’ai énoncés portent sur l’indépendance des sociétés populaires de toute espèce d’autorité.
C’est d’après ce motif que j’ai soutenu que les sociétés populaires ne devaient avoir recours à personne pour solliciter des localités (sic). J’ai entendu des rumeurs. Déjà des dénonciations graves ont été dirigées contre moi ; je demande enfin à me justifier aux yeux du peuple, auquel il ne sera pas difficile de faire reconnaître mon innocence et mon amour pour la liberté. Je somme tous ceux, qui ont pu concevoir contre moi des motifs de défiance, de préciser leurs accusations, car je veux y répondre en public. J’ai éprouvé une forte défaveur en paraissant à la tribune. Ai-je donc perdu ces traits qui caractérisent la figure d’un homme libre ? Ne suis-je plus ce même homme qui s’est trouvé à vos côtés dans les moments de crise ? Ne suis-je pas celui que vous avez souvent embrassé comme votre ami, et qui doit mourir avec vous ? Ne suis-je pas l’homme qui à été accablé de persécution ? J’ai été un des plus intrépides défenseurs de Marat.
J’évoquerai l’ombre de l’Ami du peuple pour ma justification.
Vous serez étonné, quand je vous ferai connaître ma conduite privée, de voir que la fortune colossale que mes ennemis et les vôtres m’ont prêtée se réduit à la petite portion de biens que j’ai toujours eue.
Je défie les malveillants de fournir contre moi la preuve d’aucun crime. Tous leurs efforts ne pourront m’ébranler. Je veux rester debout avec le peuple. Vous me jugerez en sa présence. Je ne déchirerai pas plus la page de mon histoire que vous ne déchirerez la vôtre, qui doivent immortaliser les fastes de la liberté.
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Le Moniteur ne donne pas la suite du discours de Danton, et la résume en ces mots : «L’orateur, après plusieurs morceaux violents prononcés avec une abondance qui n’a pas permis d’en recueillir tous les traits, termine par demander qu’il soit nommé une commission de douze membres chargés d’examiner les accusations dirigées contre lui, afin qu’il puisse y répondre en présence du peuple. Robespierre monta ensuite à la tribune pour justifier Danton qui, à la fin de la séance, reçut l’accolade fraternelle, au milieu des applaudissements les plus flatteurs».