Monsieur le Chef du Gouvernement,
Monsieur le Syndic général,
Monsieur le représentant de Son Excellence le Coprince Épiscopal,
Mesdames et Messieurs, et si vous me le permettez, mes chers amis.
C’est un grand bonheur, c’est une grande fierté que de pouvoir m’adresser pour la première fois à vous en qualité de coprince sur cette place « Del Poble », après avoir rencontré vos représentants et les habitants d’Andorre-la-Vieille.
Les 7 collines de Rome sont entrées dans la légende, il devrait en être autant des 7 paroisses d’Andorre ! Elles symbolisent la permanence et l’indépendance de la Principauté — que vous avez soulignées Monsieur le Chef du Gouvernement. Elles symbolisent aussi l’équilibre sur lequel repose la pérennité de l’Andorre.
Cet équilibre, les Andorrans l’ont encore renforcé en 1993 par l’adoption de la Constitution. Vous avez alors affirmé votre attachement au rôle des coprinces, garants de la continuité et de l’indépendance de l’Andorre, en lui conférant une légitimité démocratique. Andorre n’est pas seule, elle a des amis, elle a des coprinces. C’est dans cet esprit que je veux exercer la responsabilité partagée avec Monseigneur VIVES I SICILIA.
L’équilibre politique que vous avez construit au fil des siècles doit aujourd’hui s’inscrire dans un nouveau contexte international.
La crise nous impose de repenser les formes du développement mondial, pour que ce développement mondial soit plus juste, plus solide et qu’il y ait un avenir pour votre Principauté et pour vos enfants. Vous le savez, la France s’est engagée à réformer le fonctionnement de la finance pour assainir les bases de l’économie mondiale. Mes chers amis, ce qui s’est passé en 2008, aurait pu entraîner le monde dans un gouffre. Nous avons évité la catastrophe. Mais des dizaines, peut-être des centaines de millions de gens dans le monde et des milliers en Andorre, ont souffert, souffrent des conséquences de la crise. D’une crise dont ils n’assument pour autant aucune responsabilité. Ils en sont les victimes. Et ce qui s’est passé doit nous servir de leçon pour l’avenir. Pour que les mêmes causes ne reproduisent pas les mêmes effets dévastateurs. C’est vrai, j’ai appelé le peuple andorran à relever ce défi et je veux dire ici combien je suis heureux que vous ayez entendu cet appel, même si ça n’a été ni évident ni facile. Et qu’il a fallu, Monsieur le Syndic me le rappelait il y a quelques instants, faire l’effort de se comprendre.
En votant la loi sur l’échange des informations dans le domaine fiscal en septembre dernier, vos représentants ont montré quoi ? Vos représentants ont montré que l’Andorre était un pays solide, conscient des responsabilités qui lui incombent. L’Andorre a prouvé ainsi qu’elle a une place sur la scène internationale. Cette place je le sais, vous l’aviez pour votre participation au patrimoine mondial, par votre identité, par votre culture, par l’exemple d’acharnement que vous avez montré à travers l’histoire pour défendre votre pays. Mais en faisant ce choix vous avez montré qu’Andorre veut s’inscrire dans la définition de l’avenir du monde.
L’adoption de cette loi, ainsi que la signature de plusieurs conventions d’échange de renseignements en matière fiscale, ont permis à l’Andorre de quitter la liste des pays considérés comme des paradis fiscaux. La compétitivité fiscale, elle est légitime. Que vous ayez un système fiscal plus compétitif que vos voisins, c’est légitime. Et personne ne peut vous le reprocher. Mais la fraude fiscale, le paradis fiscal, ce ne sont pas des mots qui correspondent à la culture de l’Andorre et aux valeurs du peuple de l’Andorre. Parce que dans ce paysage magnifique que je survolais en hélicoptère, je vois bien que la vie, ici, est à la fois splendide et rude. Et que vos parents, vos grands parents, vos aïeux, pour construire ce qu’est Andorre aujourd’hui, ont du travailler dur. Ils ont du dire la vérité à leurs enfants. Ils ont mérité ce pays. Tant de peuples ont disparu et vous, depuis tant de siècles, vous avez assuré cette pérennité. Comment ? Pas sur le mensonge, pas sur la dissimulation, pas sur la fraude, sur le travail. Sur la fierté, sur le courage, sur la détermination. C’est cela le peuple d’Andorre. C’est cela Andorre !
Et vous savez parfaitement que lorsqu’il y a des bulles spéculatives, les profits sont pour les spéculateurs mais quand la bulle explose, qui paie, c’est le peuple. C’est un marché de dupes. Le choix que vous avez fait, c’est un choix qui préserve l’avenir et c’est la raison pour laquelle je suis fier d’être ici, et fier d’être Coprince d’Andorre. Et je peux vous le dire la France sera à vos côtés. Vous aurez à débattre de votre avenir européen. Ce n’est pas à moi de trancher cette question mais en tant qu’ami, en tant que Coprince qu’il me soit permis de dire qu’un éventuel accord d’association avec l’Union européenne permettrait d’ouvrir de nouvelles perspectives pour votre activité économique et pour l’avenir des jeunes Andorrans. Quel que soit le choix que fera le peuple andorran, je sais que vous aurez à cÅ“ur de préserver votre identité mais de penser aussi aux conditions de votre développement futur. J’ai toujours pensé que la France avait besoin de l’Europe. J’ai toujours été convaincu que la France ne pouvait pas être isolée comme je l’ai dit lors de ma visite en Grande-Bretagne à nos amis anglais. Qui peut penser que l’on peut vivre isolé du monde, replié sur soi. Vous avez une culture forte, vous avez une identité qui n’est plus à démontrer, n’ayez pas peur. Ceux qui ont peur ce sont ceux qui ne sont pas certains de leur identité et de leur culture. Et quel que soit votre choix, la France sera à vos côtés.
L’équilibre est également une qualité fondamentale de la vie quotidienne et culturelle andorrane.
Vous êtes à un carrefour, au carrefour des échanges et des migrations entre pays européens, vous avez su protéger votre unité, sans jamais perdre le sens de vos racines, en accueillant différentes populations, dans un pays ouvert à 3 langues, le catalan, l’espagnol et le français.
Vous avez su maintenir l’équilibre dans les relations avec vos voisins, la France et l’Espagne. Je me réjouis que l’Andorre ait signé en février dernier un protocole d’adhésion au Traité de Bayonne.
Mais je souhaite que la France et l’Andorre approfondissent leur coopération, et concluent des dossiers, dont je le dis franchement, sont enlisés depuis trop longtemps. Il faut que nous réglions avant la fin de l’année la question de la délimitation de la frontière franco-andorrane. Il n’y a pas de problème insoluble, il faut le régler. Il faut faire avancer des projets d’avenir, comme l’autoroute E 9. Il faut que l’amitié entre nous ne soit pas simplement des discours, des visites, des symboles mais des réalités.
Je pense notamment à la question de l’éducation. Les établissements français scolarisent aujourd’hui un peu plus du tiers des enfants de la principauté. C’est le fruit d’un engagement constant de la France. C’est une nécessité pour assurer l’avenir de la pratique du français en Andorre. Nous allons faire un effort très important pour développer nos relations éducatives et culturelles. C’est capital.
Il est important que cette dynamique perdure au-delà du lycée. Je vous le dis, les Universités françaises sont prêtes à accueillir les jeunes Andorrans, et à leur offrir les meilleures formations, pour qu’ils soient, à leur tour, capables de développer la Principauté par leur talent et leur créativité.
Et je compte sur la jeunesse d’Andorre, pour renforcer à l’avenir les liens ancestraux qui unissent nos deux pays.
Au fond, je voudrais que vous compreniez une chose : pour moi venir ici chez vous, ce n’est pas faire acte de folklore. Je viens voir un pays qui s’est battu pour sa survivance et son existence. Je viens voir des femmes et des hommes qui ont des ambitions, qui espèrent dans un avenir, qui ont un savoir-faire. La façon dont vous savez, au cÅ“ur de ces Pyrénées, développer le tourisme, qu’il soit le tourisme d’hiver ou le tourisme vert, est un exemple pour nous. Je ne suis pas venu vous dire simplement ce que la France a à vous apporter, la France a à vous apporter beaucoup, mais nous avons aussi à nous inspirer de ce que vous avez su faire pour développer le tourisme, pour préserver cette magnifique capitale, pour préserver votre unité, malgré ou grâce à des tempéraments affirmés. Et finalement ce qui vous rassemble c’est l’amour de votre pays.
Je voudrais clore mon propos en vous disant combien j’ai été sensible à votre accueil chaleureux. Je sais que j’ai parlé franc mais moi je pense que quand on aime les gens, quand on est ami, on doit parler franc. Je pense que chacun est capable de comprendre que celui qui parle franc, c’est celui qui est le mieux capable de comprendre les convictions de l’autre. Il n’y a pas d’avenir, je vous le disais en commençant, pour le refus de la transparence mais il n’y a pas d’avenir non plus pour l’hypocrisie. Et la chaleur de l’accueil du peuple andorran m’a beaucoup touché et honore mon pays. Je dois dire également que je suis très sensible à votre attachement à vos Coprinces. La coopération entre la France et l’Andorre va se développer, j’en prends l’engagement solennel devant vous, et qu’il me soit permis de terminer en vous disant :
Vive la France, Vive l’Andorre, Visca Andorra.