Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Mesdames, Messieurs,
Au seuil de ce septennat, je souhaite interpréter en peu de mots, aussi justement que possible, la volonté populaire exprimée le 8 mai.
Je le ferai tourné vers l’avenir, sans égrener les comptes du passé, et je poserai cette question :
Quelle leçon essentielle tirer de l’événement qui me vaut d’assumer aujourd’hui, dans la continuité de nos institutions et de mon propre mandat, la magistrature suprême ?
La réponse est là, évidente : par le coeur et par la raison, la France aspire à rassembler ses forces dans le respect de ses valeurs, les valeurs de la République; Et quand je dis la France, je pense à l’immense majorité des Français.
C’est sur ce thème que je me suis engagé devant le pays. Notre peuple l’a ratifié. Au-delà des vicissitudes du moment, des hésitations, des retards, séquelles normales de nos compétitions ou lenteurs de l’Histoire prise au piège de ses habitudes, j’entends persévérer.
Aller à l’unité et comprendre les contradictions, j’appliquerai cette paraphrase d’une expression fameuse de Jaurès à mon action de chaque jour, assuré que, pour le principal, l’amour de la patrie et l’attachement à la démocratie prendront le pas sur la querelle.
Répétons-le sans nous lasser. Ce mois de mai 1988 n’a pas vu les bons l’emporter sur les méchants – ni le contraire -. Je n’aime pas cette dialectique sommaire. Même si je crois profondément à la justesse des principes au nom desquels près de 17 millions de Français m’ont donné leur confiance, même si je reste ardemment attaché à l’idéal que servent les socialistes épris de liberté depuis l’aube des sociétés industrielles.
Le respect des uns pour les autres est à la base du pacte hors duquel la communauté nationale perdrait son véritable sens.
Mais une France injuste est une France divisée. Une France refermée sur elle-même et sur ses divisions est ou serait inapte à gagner les enjeux qui l’attendent dans l’arène du monde, plus encore dans l’Europe sans frontières de demain.
C’est pourquoi je ne sépare pas le devoir politique d’ouverture de l’obligation sociale de solidarité, ni l’obligation de solidarité de l’esprit d’entreprise, l’esprit d’initiative dont nous avons plus que jamais besoin.
Démocratiser la société, refuser l’exclusion rechercher l’égalité des chances, instruire la jeunesse, la former aux métiers et aux techniques qui lui apporteront la sécurité de l’emploi dans des entreprises elles-mêmes modernisées, accroître le savoir, servir la création de l’esprit et des mains, guérir la vie quotidienne du plus grand nombre des Français de ses multiples tares, et parfois de ses intolérables servitudes, priorité au dialogue ici et là-bas à l’autre bout de la planète, voilà le chemin qu’il faut prendre, le rendez-vous auquel je vous convie, si l’on veut que le «principe-espérance» triomphe des pulsions de la peur et de l’affrontement.
C’est en somme une victoire de la République qu’il nous faut ensemble assurer. La République n’appartient à personne. Nous en sommes tous, à des titres différents, les garants et les artisans. Sur le chantier de ces valeurs toujours neuves, pour ces combats de chaque jour qui se nomment liberté, égalité, fraternité, aucun volontaire n’est de trop. Nous en fêterons l’an prochain le deuxième centenaire. Que notre pays sache en garder la jeunesse, l’élan et le rayonnement !
Mes chers compatriotes, il m’incombe avant tout autre, au nom de la Nation tout entière, de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers ou partisans. Comptez sur moi. Je n’exagérerai pas le rôle de la France si je rappelle que ce qu’elle fait et la manière dont elle agit intéressent le monde entier. On connaît son message de paix, de justice, de progrès.
Je l’adresse à nouveau à tous les peuples de la terre.
Vive la République, vive la France.