Traité CECA

Les délégations chargées par les six gouvernements: allemand, belge, français, italien, luxembourgeois et néerlandais, de mettre en oeuvre les propositions françaises du 9 mai 1950, ont accompli leur travail et
viennent, en présence de M. Robert SCHUMAN, Ministre des Affaires Etrangères, d’apposer leur paraphe sur les documents qu’elles ont établis et qui comprennent:
– un projet de Traité instituant une Communauté européenne du charbon et de l’acier,
– un projet de Convention pour la période de transition.
Ces documents sont remis aux gouvernements des six pays. Une réunion des Ministres se tiendra à une date qui sera fixée ultérieurement pour prendre les décisions finales. Les textes seront alors soumis aux différents Parlements pour ratification.
Tout d’abord, il est important que vous sachiez que les délégations ont terminé leurs travaux par un accord paraphé sans réserve.

Mes collègues et moi nous tenons à attirer votre attention sur trois points essentiels qui caractérisent la transformation fondamentale que le Plan Schuman doit apporter à l’Europe de l’Ouest:
– d’abord, le caractère supranational de la Communauté européenne du charbon et de l’acier,
– ensuite, la création d’un marché de 150 millions de consommateurs et la mise en commun des ressources
en charbon et en acier,
– enfin, l’élimination des pratiques restrictives des cartels et des concentrations excessives de puissance économique.

D’abord, le caractère supranational de cette Communauté. Pour la première fois, six pays se sont réunis, non pour rechercher un compromis provisoire entre des intérêts nationaux, mais pour prendre une vue commune de leur intérêt commun. Cette vue commune trouve son expression dans une délégation limitée de souveraineté à des institutions communes qui seront les mandataires des six pays, pour remplir des fonctions
réservées jusqu’à présent aux souverainetés nationales. Il s’agit là d’un changement fondamental dans la nature des relations entre les pays d’Europe, de la forme nationale qui les opposait et les divisait, à une forme
supranationale qui les rapproche et les unit.

Ensuite, la mise en commun des productions de charbon et d’acier, par la création d’un marché commun comprenant le territoire des six pays, et dans lequel tous les producteurs auront un égal et libre accès aux débouchés, et tous les consommateurs aux approvisionnements. Ni droit de douane, ni contingents ne s’opposeront plus à la circulation du charbon et de l’acier, à l’intérieur du territoire formé par les six pays.

Dans ce marché, toute discrimination sera abolie; en particulier, dans les périodes de pénurie, les ressources totales, sans considération d’origine, seront réparties entre tous les pays en fonction de leurs besoins.

Ainsi, à l’avantage de tous, sera ouvert, à chacun des producteurs de ces pays, un marché de 150 millions d’habitants, c’est-à-dire aussi important que le marché des Etats-Unis. Ainsi sera frayée la voie à un accroissement de la production et de la productivité à l’échelle des moyens techniques modernes.

Enfin, à la base de l’organisation projetée, il y a la liberté et l’initiative. Les entreprises auront la pleine responsabilité de leur gestion. L’initiative sera restaurée par l’élimination des pratiques restrictives des cartels. Les consommateurs seront protégés contre les concentrations excessives de puissance économique.
Ainsi seront stimulés le progrès technique, l’accroissement de la productivité et l’amélioration des conditions de vie.

L’ensemble des institutions et des règles dégagées par la Conférence sont d’inspiration et d’expression démocratiques.

La Haute Autorité, organe exécutif de la Communauté, sera responsable devant une Assemblée commune, émanation collective des Parlements, et ainsi des peuples des pays participants; le respect du droit sera garanti par la Cour de Justice.

Toute domination sera écartée et la liaison indispensable entre l’action de l’Autorité supranationale et la
politique générale des Gouvernements nationaux sera assurée par un Conseil de Ministres.
Ce traité du Plan Schuman doit ouvrir une brèche dans les souverainetés nationales, en substituant aux barrières du passé qui nous ont jusqu’à présent divisés et appauvris, des règles communes acceptées par tous et applicables à tous pour le bien commun de nos six pays.

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